Conseil de guerre /2

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Isaac repose sa chaise bancale, plaçant ses mains sous son menton et se dessinant un fantôme de sourire sur ses lèvres. Il approuve le plan, c'est une manière tout à fait efficace de gagner la bataille, se félicite-t-il. Il aime l'idée de sortir à Navinn le même coup qu'il leur a fait, n'accordant pas la moindre pensée aux morts qu'ils pourraient causer.

Kia, elle, reste plus réservée. L'idée lui déplaît. Moralement, ce serait mal de tuer plus de personnes que nécessaire lors du raid. Sans compter que les Briseurs ont assez maudit le jeune dictateur pour son coup en traître d'il y a deux jours, elle ne tient donc pas à l'imiter. Ils ne vaudraient pas mieux que lui, se navre-t-elle. Pourtant, elle n'objecte rien. La jeune fille n'est de toute façon pas habituée à rejeter les plans de Navinn, qu'elle trouve la plupart du temps brillants, malgré elle. Et puis dans leur position, ont-ils vraiment le choix ?

— Non, tranche alors Solal, mettant fin à leurs pourparlers silencieux très fermement. Que ce soit dans notre camp ou dans l'autre, il est hors de question que de nouvelles personnes finissent contaminées par notre faute.

— Navinn n'a pas ces scrupules, fait valoir Isaac.

Solal le défie du regard.

— Raison de plus, assène-t-il. Je refuse de nous abaisser à son niveau. Notre principale ennemie, c'est l'infection, et elle le restera aussi longtemps que nous ne sommes pas en mesure de la soigner. Alors il est hors de question que nous la laissions gagner du terrain pour nos petites querelles. À chaque seconde qui passe, des gens meurent !

Son regard fait le tour de l'assemblée, s'arrêtant sur chaque visage.

— Un homme reste un homme, même si c'est notre ennemi, poursuit-il. Je refuse de laisser la maladie ôter la vie à qui que ce soit. Nous ne lancerons des soldats contaminés à l'attaque que si nous sommes certains que nos adversaires le sont aussi, et ce n'est pas le cas ici. Sur ce point, je n'accepte aucune objection !

— Au moins c'est clair... se renfrogne Isaac en croisant les bras, comme un enfant qui se met à bouder.

Il n'est pas habitué à voir son petit chef se montrer si sévère. Bien qu'il ait accepté son autorité malgré leur différence d'âge —une bonne dizaine d'années— et même si Solal a raison pour cette fois, ça ne lui plaît pas d'être grondé.

— Tu proposes quoi alors ? s'enquit-il, adoptant un ton dégoulinant de condescendance pour le remettre à sa place.

Sauf qu'à sa place, Solal y est tout à fait.

Le jeune chef provoque son lieutenant du regard, choisissant de réagir avec calme plutôt qu'avec colère. Il n'a pas envie de se fâcher avec Isaac, et puis il comprend son irritation. Mais il ne compte pas céder pour autant.

— Sinon il y a des personnes qui ne sont ni contaminées, ni vulnérables... fait prudemment remarquer Kia.

Ceci-dit, la tension ambiante dans la pièce baisse d'un cran. Isaac se concentre sur cette nouvelle proposition en fronçant les sourcils, Solal peut le lâcher du regard sans craindre de récidive. Leur querelle s'efface plus rapidement qu'elle n'est apparue.

Glaëlle, muette à côté de son supérieur, sent soudain les battements de son cœur s'accélérer. Elle comprend très bien ce que veut dire Kia, et cela implique une bonne partie de la tablée. Ange baisse le menton, Solal fronce les sourcils. La proposition de la jeune brune donne un nouveau souffle à la réunion, mais rajoute aussi des questions : peuvent-ils vraiment sacrifier des immunisés pour cette mission ?

— Je suis volontaire pour y aller, avance alors Glaëlle, surprenant toutes les personnes présentes dans la pièce.

La jeune fille prend une nouvelle respiration pour se donner du courage, luttant contre ces regards tous plus critiques les uns que les autres pour ne pas flancher. C'est ce qu'elle voulait : attirer leur attention. Il ne tient plus qu'à elle d'en faire bon usage.

Coeur de pierreWhere stories live. Discover now