Résolution /2

54 13 56
                                    

Glaëlle s'affale contre le mur de la camionnette. Ses mains et ses bras lui font mal. Son torse, ses jambes, tous ses muscles se réveillent et la lancent au fur et à mesure que l'excitation de la bataille la quitte.
La rouquine tend la main en grimaçant au médecin qui s'approche, ses phalanges sont couvertes de sang. Peut-être que réfléchir aurait été plus utile que de s'acharner comme une sauvage, songe-t-elle silencieusement. Mais dans le feu de l'action, elle n'a pas eu le temps d'y réfléchir.

— C'est quoi cette tête que tu tires ? la taquine Isaac en la rejoignant.

S'étant assez reposé, le lieutenant blond s'occupe de rassembler ses troupes. Il n'a pas de blessure sévère à faire examiner et s'est débrouillé pour ne pas se faire contaminer, il donne maintenant l'impression de s'ennuyer. Et puis Glaëlle suppose qu'il cherche à se rendre utile après son impuissance lors de la bataille. En effet, en tant que non-immunisé, il est resté caché tout du long.

Le tireur s'agenouille devant elle et attrape son menton, puis oriente son visage à la lumière pour mieux l'ausculter.

— Tu t'en es pris plein la gueule, observe-t-il en fronçant le nez, contrarié. Tu vas être toute bleue demain... eh, mais c'est encore rouge, là ?

Glaëlle hoche vivement la tête pour se débarrasser de sa main. Non, la rougeur des coups a disparu. Cette teinte est pour une toute autre raison et son supérieur n'a pas besoin de la connaître.

— J'ai peut-être encore de la poussière sur le visage ! argue-t-elle en se tordant le cou.

Isaac écarquille les yeux. Il la lâche aussitôt, rabattant sa main contre lui pour la frotter impulsivement contre son T-shirt. Sa prudence excessive fait l'affaire de Glaëlle. Elle se garde bien de lui avouer que tout le long du chemin du retour, elle s'est frottée le visage à presque s'en arracher la peau pour se débarrasser de la plus petite miette de poussière. Elle ne mentionne pas non plus les serviettes que lui ont passées les médecins pour s'essuyer une fois rentrée.

— Excuse-moi, bafouille l'homme en arrêtant son geste, quelque peu honteux de sa maniaquerie. J'ai fui tout à l'heure, je dois te paraître lâche.

La jeune fille hoche la tête par la négative. Elle ouvre la bouche pour tenter de lui trouver des excuses.

— Tu as fait ce qu'il fallait, répond à sa place une voix glaciale par l'arrière.

Des bruits de pas résonnent dans le container, annonçant l'arrivée d'un Briseur aux cheveux blancs, aux bras bandés et aux cheveux ainsi qu'aux vêtements détrempés. Revoilà Ange.

Glaëlle le regarde s'approcher d'un nouvel œil.
Avec son entraînement, elle le savait fort. Mais quand elle l'a vu débouler devant elle dans la forêt, se jeter sur les soldats infectés et les mettre KO les uns après les autres malgré leur nombre et la fumée, elle a dû admettre l'avoir quand même sous-estimé. Pour s'être battue contre eux, Glaëlle sait que les contaminés n'étaient pas des soldats très expérimentés. Ils n'étaient pas armés. Leur seul atout étant leur infection, ils ne savaient pas réellement se battre. Mais Ange s'est débrouillé comme un maître, il en a mis assez hors d'état de nuire pour protéger la fuite des tireurs à lui tout seul. Glaëlle comprend désormais pourquoi il est si influant chez les Briseurs.

— Dis pas ça, j'ai filé dans les arbres dès que j'ai vu le premier soldat débarquer, se navre pour sa part Isaac en baissant la tête. Je ne vous ai été d'aucune utilité...

— On aurait été bien embêtés si tu t'étais fait contaminer, assène Ange en dévisageant le tireur. Et puis tu as ordonné à tes hommes de te suivre, tu leur as épargné le pire. Je me répète donc : tu as fait ce qu'il fallait.

Il finit par incliner le menton, laissant ses paroles se frayer un chemin dans la tête de son ami. Ses mèches blanches ruisselantes d'eau tombent devant ses yeux. Visiblement, le sang qui le recouvrait à la fin de la bataille n'était pas le sien. Lavé, son visage ne souffre d'aucune blessure. Sa peau pâle est aussi lisse que la glace.

— Glaëlle, vas te doucher, ordonne-t-il en tournant les talons. Ta technique de combat était ridicule. L'entraînement reprend demain.

Puis il repart, aussi rapidement qu'il est apparu.

La jeune fille reste plantée bêtement, ses bras griffés ballants des deux côtés de son corps. Les critiques passent, elle ne s'attendait pas à mieux. La douche est pour se débarrasser de la poussière qui peut encore traîner sur elle, finit-elle par comprendre. Alors elle se lève, fait un rapide sourire à Isaac et part en quête d'un seau d'eau à se verser sur la tête. Pas le plus agréable des traitements après la bataille qu'elle vient de mener, mais la jeune fille comprend que c'est son rôle.

Sa place est à l'avant des combats. Elle va devoir faire tout ce que les soldats normaux ne peuvent se permettre de faire sans mettre leur vie en jeu à cause de la maladie. À voir cela, c'est à se demander si être immunisé est vraiment un avantage.

Mais qu'importe, se dit-elle. Tant que Glaëlle sauve des vies, tout lui va.

Coeur de pierreWhere stories live. Discover now