8 - Lunch time

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Mes lèvres se refroidirent au contact de la porcelaine. Le café s'écoula dans ma gorge, revigorant mes sens. Je n'avais pu fermer l'œil que quelques heures, et dans une position plutôt inconfortable, mais je parvenais à rester éveillée. La matinée était passée plutôt vite, grâce au flux important de personnes dans le hall. Ce travail était plutôt agréable à vrai dire, les gens aisés étaient sympathiques. J'appliquais aussi certaines des connaissances que j'avais acquis durant mes études, et cela me faisait parvenir de bons souvenirs. 

La pause de midi était dans quelques minutes, et j'étais soulagée de ne pas avoir encore vu Harry. Je ne saurais comment réagir alors que notre rendez-vous ne semblait pas lui avoir plu au vu de son perpétuel silence.  J'espérai que l'après-midi se passerait aussi sans son apparition, et je croyais fort en la chance qui me guettait d'échapper à l'embarras. Peut-être me jetera-il un bref coup d'œil puis passera son chemin tandis que mes joues exploserons d'un rouge honteux. Je voulais éviter cela. Je voulais oublier sa furtive éruption dans ma vie. J'avais manqué de pleurer pour lui la veille, et je ne comptais pas que cela se reproduise. Il n'était rien, et il fallait que je me fasse à l'idée. 

Je reposai ma tasse au coin de mon bureau en soufflant discrètement. J'arborai ensuite mon plus beau sourire, relevant la tête vers un couple de personnes âgées se présentant à moi. Une file de clients s'était formée devant le comptoir, ne me délectant d'aucune forme de répit. "Nous sommes en mi-juin et les vacanciers commencent à affluer. Tu risques d'avoir du boulot aujourd'hui, June." me disait mon patron ce matin, et effectivement, il avait raison. Néanmoins l'abondance de travail m'avait dispensé de méditer à propos des souvenirs que mon rêve avait ranimé. Elio. Voilà une personne à qui je n'avais pas pensé depuis bien longtemps. Je l'avais presque oublié et d'un autre côté, c'est ce que je désirais faire. Il faisait parti de la période la plus difficile de ma vie, et je voulais faire disparaître toute trace de cette époque. Je ne l'avais pas revu depuis ce jour qui sera gravé à jamais dans mon esprit, le 15 septembre. 

Je secouai ma tête, ne voulant pas raviver la flamme passée tandis que les personnes âgées s'éclipsèrent, laissant la personne suivante s'avancer. Je repris une gorgée de mon café et inspectai l'heure sur l'écran de mon ordinateur. Plus que deux minutes et je pourrais prendre ma pause. Je souris à ma collègue, venue prendre la relève.

- Salut Joyce, j'en fais encore quelques uns et puis je te laisse, annonçai-je.

- Parfait ! s'exclama-t-elle en fouillant dans quelques tiroirs.

- Bonjour.

Je souris et relevai la tête en direction du client qui se présenta à moi.

- Bonjour, répondis-je dans la précipitation.

Nos regards se confondirent, et mon esprit perdit pied. Toutes mes pensées s'atrophièrent et une multitude de frissons parcourut la surface de ma peau. Ses beaux yeux verts, fixés sur les miens, étaient illuminés par une lueur de joie et un sourire était figé sur ses lèvres. Il me rappelait Mia un peu plus à chaque fois que je le revoyais. Ses perles vertes, son sourire, sa joie, sa légère odeur de pêche. Croiser son regard m'apportait une grande fraîcheur, mais serrait mon cœur en ravivant le passé.

Je m'y attendais. Je m'attendais à le voir aujourd'hui, car il n'y avait qu'à moi qu'arrivait ce genre de choses. Cependant je restai surprise, stressée, et à la fois heureuse de l'avoir en face de moi, avec le même regard radieux que mercredi soir. Son attitude avenante me fit méditer sur le silence qu'il avait maintenu durant trois jours, et révoqua instantanément l'objectif que je m'étais fixer : l'oublier. Il avait l'air plutôt détendu, ce qui me fit décompresser. Je relâchai légèrement mes épaules, ayant soudainement été contractées. J'ignorais le motif de sa présence, ce qui maintenait une certaine angoisse en moi. Pendant que mes pensée s'entremêlèrent, mes yeux contemplèrent son visage au millimètre près. Dieu qu'il était beau. Je déglutis, voulant paraître totalement sereine. Je renforçai le sourire de mes lèvres et m'adressai finalement à lui.

FALLING [h.s]Where stories live. Discover now