7 - Mia

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Ma respiration était lente. Mes yeux étaient brillants. Mon regard vide était fixé sur le plafond. J'étais allongée dans mon lit usé,  trônant au milieu de ce que l'on pouvait péniblement appeler un salon, subissant la douleur qu'affligeaient les ressorts à mon dos. La pluie s'abattait violemment sur les fines fenêtres m'isolant à peine du bruit de la rue. Mes mains étaient croisées sur mon ventre, suivant le soulèvement de ma poitrine. Je n'essayai même plus de dormir. Après tout, cela ne servait à rien de vouloir combattre l'insomnie, car l'on perd toujours. Et j'avais mis du temps à le comprendre à vrai dire. Il devait être trois ou quatre heures du matin, et je ne trouvais pas le sommeil. Demain, ou plutôt, tout à l'heure, je travaillais à l'hôtel. Mon esprit tournait en rond, se demandant si j'y reverrai Harry.

Rien. Pas un appel. Pas un message depuis qu'il m'avait souhaité bonne nuit ce mercredi soir, avant de s'enfuir. J'avais gardé mon téléphone contre ma poitrine toute la soirée, en l'attente d'une quelconque vibration. Mais elle n'était jamais venue. J'avouai ne pas comprendre pourquoi. Nous avions pourtant bien discuté ensemble, enfin, je trouvais. Je m'étais endormie avec mon portable sur le cœur, et sans grande stupéfaction, à mon réveil, aucune notification ne l'avait ébranlé. Le silence que gardait Harry me confirmait que je n'en saurais certainement pas davantage sur lui, du moins pas autant que je l'espérais. Ce personnage restera mystérieux, et gardera à jamais ses secrets pour lui. Harry était la seule chose à peu près divertissante qui était venue égayer mon quotidien désœuvré. J'avais beau constamment être dans la précipitation, ma vie était juste ennuyeuse. Je n'avais qu'une amie, un patron désagréable, des dettes, et je passais mes semaines à travailler encore et encore. J'étais épuisée physiquement et mentalement. Harry aurait pu être une réelle bouffée d'air frais dans ce monde étouffant, et c'était pour cette raison que je m'étais si vite accrochée à lui, car je me sentais sombrer. Mais il faisait peu à peu chuter les espoirs de retrouver ma vie trépidante, comme elle l'était avant.

Je tournai ma tête sur le côté, regardant la porte attenante à celle de la salle de bain. Cette porte, toujours close, provoquait une crainte en moi chaque fois que je posais les yeux dessus. Lorsque je la regardais, tous ces souvenirs revenaient. Je me souviens encore, je passais des nuits entières à la fixer, sans pouvoir fermer l'œil. J'avais constamment peur de passer cette porte, sachant pertinemment que le jour où j'allais la franchir et voir son corps inanimé allait tôt ou tard arriver. Cette torture, cette pression constante qui régnait sur moi me faisait trembler à chaque fois que je songeais à franchir la porte. Parfois, je venais la voir la nuit. Ses cils frôlaient délicatement le haut de ses pommettes, sa respiration était lente, tout était calme. Lorsque je l'observais dormir, j'avais le sentiment que jamais elle ne partirait, qu'elle se réveillerait toujours avec ce sourire aux lèvres. Je pouvais passer des heures dans sa chambre avec elle, redoutant d'en sortir et de ne plus la trouver lorsque je reviendrais. Lorsqu'elle était éveillée, je retenais mes larmes. Je la voyais, faible, dégradée par l'agonie, et cela me rappelait qu'elle ne finirait même pas l'année. 

Perdre un proche était sans doute un évènement dont on ne se remettait jamais. Savoir à l'avance que du jour au lendemain, elle ne serait plus là, qu'elle ne rirait plus, qu'elle ne pleurerait plus, que je ne l'entendrai plus parler, que je ne la verrai plus, et qu'il s'agirait uniquement d'un souvenir, d'un fantôme du passé et que j'étais celle qui devrait la découvrir éteinte dans ses draps, était la plus grande douleur que j'ai vécu, et que je ne pourrais plus jamais supporter de vivre. Cette douleur si puissante qui ronge les organes vitaux, qui détruit la pensée, et qui anéanti la vie. J'étais incapable d'accomplir mon deuil, même après tous ces mois. 

Mes pensées s'interrompirent lorsque je me retrouvai face à cette porte close. Je fronçai les sourcils et regardai derrière moi, ne m'étant pas rendue compte d'avoir réalisé ce trajet. Tandis que je me perdais dans mon passé, mon subconscient m'avait conduit là, devant la chambre de ma sœur. Je n'avais pas les moyens pour prendre un appartement avec deux chambres, alors je lui avais laissé la chambre et j'avais mis mon lit dans mon salon. Après sa mort, je ne m'étais jamais résignée à dormir dans son lit, la douleur était trop grande. Je déglutis alors que mes yeux se fixèrent sur la poignée. Cela devait faire plusieurs mois que je n'y étais pas entrée, car je savais pertinemment que chaque fois que je franchissais le pas de cette porte, j'étais capable de m'effondrer, de retomber. Le bout de mes doigts effleurèrent la poignée glaciale en métal, hérissant ma pilosité.

FALLING [h.s]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant