FALLING [h.s]

22 - Ready

Le passé était une notion que l'on aimait trop souvent rappeler. Comme s'il s'agissait de quelque chose qui nous maintenait enchaînés à nos douleurs, à nos mauvais souvenirs. Il n'était jamais décrit de manière positive, comme s'il n'était porteur que de souffrance. Nos malheurs passés forgeaient notre identité de demain, mais l'on oubliait que les jours heureux comptaient, eux aussi. Ces moments sinistres que nous avions vécus continuaient de nous poursuivre et revenaient constamment hanter nos esprits. Chacun avec son passé, chacun avec son âme. Le passé nous rendait différents les uns des autres. Alors on inventa le principe de "tourner la page". Comme pour passer au chapitre suivant d'un livre, tourner la page consistait à oublier pour mieux avancer. Certains le détestaient, d'autres en faisaient une philosophie de vie. 

J'avais toujours été pour le fait d'avancer, d'essayer d'immuniser notre esprit de toutes ces pensées en lien avec notre passé, ces pensées qui nous mettaient plus bas que terre. Mais jamais personne ne pouvait oublier. Il suffisait d'un mot, d'une image, d'un détail pour raviver les émotions et les douleurs passées. C'était mon cas. Grâce à Harry, j'avais réussi à ne plus penser à la mort de ma sœur, ce que j'avais pourtant fait durant plus d'un an. Dorénavant, je revoyais nos souvenirs les plus joyeux, et isolais ma conscience des douleurs que m'avaient infligé sa maladie, autant qu'à elle. Je n'oubliais pas, j'essayais d'avancer. Et c'est de cette manière que je résonnais concernant mon passé. Ne pas oublier, chérir les bons moments, avancer.

Et je me retrouvais face à lui, qui m'avait aidé avec mon passé. Il semblait vide d'émotions, comme s'il revivait tout ce à quoi il pensait. Je ne savais pas encore ce que ses secrets me réservaient, mais je voyais dans son regard que peut-être, son passé était encore trop proche pour qu'il ne puisse avancer. Mais parfois il suffisait juste de se confier, d'exprimer ce que l'on avait vécu pour réussir à dépasser ses pensées. Il y avait seulement quelques mois, il avait été en couple, et je devinais que là était la source de son malheur.

- Elle s'appelait Nora, poursuivit-il. 

Son regard naviguait dans le vide et il soupirait. Je ne comprenais pas qu'il soit avec moi alors qu'il semblait encore affecté par sa précédente relation.

- Cela faisait un an que nous étions ensembles, que nous vivions ensembles. Nous nous étions fiancés. 

Mon cœur battait à toute vitesse dans ma poitrine et les questions se mélangeaient dans mon esprit. Il était fiancé il y a quelques mois. C'était une information que je n'arrivais pas à digérer.

- Et je... Je ne sais pas vraiment ce qu'il s'est passé. Du jour au lendemain, lorsque je suis rentré du studio, elle était partie. 

Son regard rencontra le mien et je remarquai immédiatement la surbrillance de ses yeux. Ma gorge se serra, je n'imaginais pas la douleur qu'il avait dû ressentir. S'il me laissait seule du jour au lendemain, je ne saurais comment réagir. Je levai lentement mon bras et saisis sa main, entrelaçant nos doigts.

- Ses vêtements, ses bijoux, ses souvenirs... Tout avait disparu, et je ne l'ai jamais revu. 

Nous nous regardions dans les yeux, fixement. Je caressai lentement le dos de sa main à l'aide de mon pouce, voulant lui apporter toute forme de soutien. Je n'imaginais pas à quel point cela devait être frustrant, déconcertant et insoutenable de perdre la personne que l'on aimait du jour au lendemain, sans aucun motif. 

Etrangement, je ne remettais pas en cause l'intérêt qu'il me portait malgré la souffrance qu'avait dû lui causer sa précédente relation qui s'avérait être récente. Cette femme l'avait brisé, je pouvais le voir sur son visage. Elle était partie, sa fiancée l'avait quitté du jour au lendemain sans prévenir, et sans se justifier. La seule chose que je ressentais n'était pas de la colère envers Harry, mais de la tristesse. Je ne pouvais songer à mon bien-être plutôt qu'au sien. Il se montrait comme il ne l'avait jamais fait, vulnérable.