Prologue

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J'OUVRE BRUSQUEMENT LES PORTES DE L'ACADÉMIE. Je n'arrive pas à croire ce que je viens d'entendre. Non, c'est impossible, il n'a pas pu faire ça. Je savais qu'il les détestait, qu'il les haïssait même, mais jamais je n'aurais penser qu'il pourrait aller aussi loin... qu'il ferait quelque chose de si grave.

Mon cœur s'affole dans ma poitrine et ce n'est pas parce que je monte les escaliers à une vitesse folle. Je suis énervée, non furieuse même. Tout ce que je connais risque d'être détruit. Tout ce pour quoi je me suis battue risque de disparaître à cause de lui. 

À cause d'eux.

-Jameela! crie une voix derrière moi.

Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir à qui appartient cette voix. Je pourrais la reconnaître entre mille. C'est celle de Daniel, mais je n'ai pas envie de lui parler, pas après ce qu'il a fait plutôt dans la forêt. Lui aussi il m'a menti. Ils m'ont tous menti. J'avais confiance en l'Alliance, mais apparemment j'étais bien la seule.

-Jameela, attends-moi, continue Daniel.

Il me poursuivre jusqu'au sommet des escaliers, puis au couloir qui mène au Dortoir des Novices. Ils ne sont pas censés rentrer avant des heures, trop occupés à fêter la victoire au BASB. Ils ignorent encore ce qui les attend. 

Ce qui nous attend tous.

J'arrive devant la porte du Dortoir et l'ouvre d'une main, mais avant que je franchisse le seuil, des doigts puissants m'agrippent le bras vers l'arrière.

- Jameela, s'il te plaît, écoute-moi.

Il me force à me tourner vers lui, en me tenant fermement par les épaules. Je tourne alors la tête pour ne pas croiser son regard. Ses foutu yeux bleus. 

-Je n'ai pas envie de t'écouter, rétorqué-je en essayant de me dégager.

-Je suis désolé, je ne voulais pas que tu l'apprennes comme ça, souffle-il en resserrant ses doigts sur mes épaules. Je voulais tout te dire, mais...

-Mais tu n'as rien dit.

Je pousse brusquement ses mains et fixe mes yeux aux siens.

-Tu t'es servi de moi, craché-je.

-Quoi? Non, jamais. Jameela, je ne pourrais jamais me servir de toi. Je tiens beaucoup trop à ...

Puis il ne dit plus rien. Que pourrait-il dire de toute façon? Ses paroles ne pourront rien n'y changer de toute façon. Parce qu'il m'a trahie, j'ai envie de lui crier, mais il ne me regarde plus. Ses yeux se tournent vers l'intérieur du Dortoir. Ils s'agrandissent, comme horrifiés par quelque chose. Que peut-il y avoir dans cette chambre?

Je tourne la tête et je comprends maintenant. Mon cœur rate un battement. Là, devant moi, suspendu dans le vide par une corde, le corps de mon ami se balance dans le vide avec de légers tremblements dans les jambes. Je porte une main à ma bouche, effrayée par cette vision d'horreur.

-Non! crie-t-il en se précipitant vers son corps.

Il attrape ses jambes et essaie de le soulever le plus haut possible. Je le vois se tourner vers moi. Ses lèvres remuent, mais aucun son ne sort  de sa bouche. Je n'entends plus rien, c'est le vide autour de moi. Mon corps est paralysé, je ne peux pas bouger. Mon souffle coupé... Je ne peux plus respirer.  

De l'autre côté de la pièce, il me fixe avec ses yeux bleus. Une veine apparaît sur son cou. Ça arrive souvent quand il est énervé. 

-Jameela! hurle-t-il.

D'un coup, l'air revient dans mes poumons et je reprends le contrôle de mon corps. Je m'élance vers lui pour détacher la corde enroulée autour de la poignée de porte de la salle de bain.

- Dépêche-toi! crie Daniel.

Il tente de soulever son corps avec difficulté, pour ne pas étirer la corde sur son cou. Le nœud est serré, mais après quelques secondes je réussis à le défaire. Daniel pose le corps de mon ami au sol et enlève la corde autour de son cou. Sur son torse est collée une feuille par du ruban adhésif que je ne prends pas la peine de lire avant de le lui arracher. Daniel essaie de le réanimer.

-Non, non. S'il te plaît, ne meurs pas, l'imploré-je.

Il ne peut pas mourir. Je m'y refuse. Je prends sa main entre les miennes, comme si cela pouvait le réanimer.

-Allez, respire! hurle Daniel en continuant les techniques de réanimation. Respire. Ne meurs pas, gamin.

Je sens des larmes qui commencent à couler sur mes joues. Il ne peut pas mourir. S'il ne s'en sort pas, ce sera de ma faute. Je n'aurais pas dû insister pour venir ici. Je n'aurais pas dû partir...

Tandis que Daniel s'acharne toujours sur le torse de mon ami, mes yeux se posent sur la feuille qui traîne près de son corps. Je la prends entre mes mains pour lire ce qu'il y a dessus et je le regrette aussitôt. Écrit en un rouge vif, la phrase «Retourne chez toi, Virus» me brûle comme un fer rouge. Une brûlure qui me donne envie de pleurer.

Les yeux de Daniel se posent aussi sur la feuille, mais il n'arrête pas le massage cardiaque pour autant. Des larmes envahissent mes joues. Pas des larmes de tristesse non, de colère. Ce sont eux qui ont fait ça.

Je me souviens à quel point j'avais hâte de débarquer à l'Académie. À quel point je rêvais de venir au Sud pour rencontrer les Unions. Maintenant, je me sens bête. Je ne pensais pas que ce serait aussi différent, aussi dur. Si j'avais su ce qui allait se passer ces dernières semaines, jamais je n'aurais accepté de faire le Mélange.

Ils nous ont fait croire que la Guerre était terminée. Maintenant, je me rends compte qu'elle ne fait que COMMENCER.

Virus Tome 1: L'AllianceWhere stories live. Discover now