Virus Tome 1: L'Alliance

12- La rencontre

JE REPENSE À CE QUE J'AI VU HIER SOIR. Il y avait un autre Noir à l'Académie. Pourquoi? Papa est-il au courant? Sûrement pas, non. Je suis tentée de l'appeler pour l'informer, mais j'ai le pressentiment que c'est une mauvaise idée. En prévenant papa, je risque de l'alarmer. Alors que je ne suis même pas sûre de ce que j'ai vu. Il existe peut-être une raison de la présence de cet Afro-Dex au sein de l'Académie. Je dois aller vérifier par moi-même.

-Akan, tu sais que le pop-corn était pour nous deux, râle Wassa.

Mon ami se tourne vers lui, la bouche remplie de maïs soufflé.

-Quoi, tu en voulais aussi? demande-t-il. Je pensais que tu n'en voulais pas.

Assis dans la salle commune, tous les Novices sont tournés vers l'écran géant accroché au mur. Ça fait au moins la dixième fois que j'écoute ce film.

-Je t'avais juste mis le pop-corn dans les mains pour que tu le tiennes, pas pour que tu le manges à toi seul, reprend Wassa.

Je souris en regardant mon ami serrer le gros pot de maïs soufflé dans les bras. Il tient fort le pot, comme si sa vie en dépendait.

-Tu ne peux pas juste mettre de la nourriture dans mes mains et ne pas t'attendre à ce que je ne le mange pas, se plaint Akan, en fourrant une grosse poignée de pop-corn dans la bouche.

Wassa roule des yeux. Nina étouffe un rire avec ses mains.

Une Novice se tourne vers nous en plaquant son index sur ses lèvres, pour nous faire signe de nous taire. Les lumières sont fermées, mais j'arrive à la reconnaître. C'est Cassandre, la rousse qui avait refusé de se mettre en binôme avec moi la première journée, me traitant de virus.

Au début du visionnement du film, un pot de pop-corn a été distribué à chaque équipe de deux personnes. Je me suis mise avec Nina, Akan avec Wassa. Je ne me souviens pas avoir vu Wassa plonger ses mains dans ce pot que mon amie tient fermement. Assis près de Wassa, Nina lui tend notre pot.

-Tu peux en prendre dans la nôtre si tu veux.

-Merci.

Il sourit et plonge sa main dans notre bol. Nos regards se croisent. Il a passé toute la matinée à essayer de me convaincre de contacter papa avec son bracelet intelligent pour l'informer de ce que j'ai vu hier. Je l'ai convaincu d'attendre en le prenant par les sentiments. Je lui ai rappelé qu'il m'a déjà trahi une fois et que s'il souhaitait de nouveau regagner mon amitié, il devrait se taire et ne rien dire à mon père. Il n'a plus insisté, après ça.

D'un coup je sursaute. Je tourne la tête vers l'écran. Les personnages du film se tirent dessus avec des armes à feu. Des armes qui n'existent plus de nos jours. Un jeune homme tire sur un robot à l'apparence humaine et attrape le bras de la fille en disant «Suis-moi si tu veux vivre».

Je connais chaque réplique de ce film par cœur. À cette époque, le monde n'était pas divisé en deux avec les Unions d'un côté, les Noirs de l'autre. Papa m'a dit que c'était un classique du Monde d'Avant. Ce soir, je n'ai pas la tête à l'écouter. Je repense à l'Afro-Dex que j'ai vu entrer dans cette salle. Je dois savoir ce qui se passe de l'autre côté de cette porte.

Je m'éclipse discrètement des rangs pour sortir de la salle. Akan est occupé à engloutir son pot de pop-corn. Wassa a les yeux rivés sur le grand écran. Seule Nina tourne la tête vers moi. Elle fronce les sourcils se demandant sûrement où je vais. Pour la première fois que je suis ici, on a le droit à un visionnement de film. Elle m'a dit que ça n'arrivait pas souvent ici, peut-être une fois au trois mois pour divertir les Soldat-Blancs quand ils ne sont pas occupés au BASB. Elle ignore qu'au Territoire Nord, j'ai l'habitude de passer mes soirées à écouter des films dans ma chambre. Que chaque maison possède au moins un de ces écrans géants. Pour les Afro-Dex, le visionnement d'un film n'a rien d'extraordinaire, mais pour les Unions, ça l'est. C'est quelque chose de rare. Plusieurs Soldats-Blancs dépourvus de leur uniforme sont assis dans la salle, fixant l'écran et mangeant leur pop-corn.