CHAPITRE 9

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ELIJAH

Les mains dans l'eau, je suis occupé à faire un peu de vaisselle quand la clochette au-dessus de la porte du café se fait entendre et attire mon attention. Je vois deux adolescentes la franchir, suivit de Nick qui semblait leur tenir le battant. Elles lui adressent un remerciement avant de rejoindre une table en gloussant. Mon meilleur ami ne s'en formalise pas et se dirige directement vers moi. Un sourire mange la moitié de son visage alors qu'il se laisse tomber sans aucune grâce sur l'un des tabourets qui bordent le comptoir. Cette joie ne le quitte plus depuis que son frangin est de retour en ville. Et même si Jason s'apprête à déménager, ils ont retrouvé leur complicité d'antan et cela fait du bien à chacun d'entre eux.

J'ai toujours su que partir à la fac a été difficile pour Nick. Quitter son petit frère a été une épreuve que nous avons traversé ensemble et qui nous a encore plus soudé. Avant ça, ils n'avaient jamais été séparé plus de deux jours. J'adore Jay comme s'il était mon propre petit frère et cela m'a également fait mal de le laisser derrière nous. D'autant plus après son geste que je ne suis jamais parvenu à m'expliquer. Pourquoi m'avoir embrassé ? Je ne suis pas fleur bleue au point de penser que le premier baiser doit avoir une importance capitale, mais de là à me choisir...

Je n'en ai jamais parlé à Nick. Ce doit être le seul secret que je n'ai jamais eu à son égard. Je ne saurais dire comment il pourrait réagir. Même si je le connais par cœur, cette réponse me semble inaccessible. Depuis qu'il est revenu, je trouve Jay différent. Il a beau ne plus être un enfant, il reste le gamin qui traînait dans nos pattes. Et je n'arrive pas à transposer cette image à l'homme qu'il est devenu.

C'est troublant d'avoir toujours l'image de quelqu'un en tête, d'avoir l'impression de pouvoir anticiper chacune de ses réactions et, quand on lui fait face, d'être convaincu que l'on se heurte à un étranger. Je ne suis plus capable de lire en lui comme je le faisais avant. Et c'est déstabilisant.

- Que me vaut ta charmante visite, mon ami ?

Mon imitation de l'aristocratie lui tire un rire et il appuie ses coudes sur le zinc.

- Je passais dans le coin et j'avais envie de te voir. Je viens de laisser Jay à deux pâtés de maison. On a visité un appartement qui a l'air de beaucoup lui plaire. Il va faire une contre-visite dans la semaine, mais je crois qu'il a déjà pris sa décision.

Alors que je m'attelle à la préparation du café habituel de mon meilleur ami, j'écoute ce qu'il me raconte attentivement.

- C'est une bonne chose pour lui qu'il trouve rapidement. Je sais que ce n'est jamais évident de retourner vivre avec Papa et Maman après deux ans d'indépendance. D'autant plus quand on a vingt ans.

Il hoche la tête et je dépose devant lui son café latte à la vanille. Il me remercie d'un mot et je m'éclipse quelques minutes, le temps de prendre la commande des adolescentes. De retour derrière le comptoir, je prépare les smoothies demandés alors que Nick sirote sa boisson. Il ne parle pas et cela m'intrigue. Je l'interroge alors.

- Tu n'es pas trop déçu qu'il s'éloigne à nouveau ? L'avantage actuel, c'est que tu n'as que le jardin à traverser pour le voir.

- C'est vrai. Mais la ville n'est pas si grande et il est de retour chez nous. C'est bien mieux que lorsqu'il était dans son école ou s'il était parti à New York avec Loan.

À la mention de ce nom, un rictus déforme ma bouche et ne passe pas inaperçu aux yeux de mon meilleur ami. Ma réaction l'amuse et il se plait à me le faire remarquer. Sa voix est moqueuse quand il prend à nouveau la parole.

- Qu'est-ce que ce pauvre garçon a-t-il pu bien faire pour que tu ne l'aimes pas ?

- Ça n'a rien à voir. Ce n'est pas que je ne l'apprécie pas, simplement que je ne pense pas qu'il soit celui qui convienne le mieux à Jason.

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