CHAPITRE 28

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ELIJAH

Je me souviens parfaitement du jour où j'ai quitté la ville avec Nick pour partir à l'université qui se trouvait à deux heures de chez nous. Même si nous avions passer l'année à nous préparer psychologiquement à l'idée de quitter nos familles et surtout Jason, la réalité était bien différente. Même si nous comptions revenir fréquemment, nous savions que les choses ne seraient plus pareilles. Nous nous ferions de nouveaux amis, rencontrions de nouvelles personnes et testerions de nouvelles choses.

Laisser Jason seul nous effrayait. La seule idée que quelque chose de mal lui arrive pendant notre absence nous rendait malade et nous avions envie de l'embarquer avec nous pour ne jamais le lâcher. Nous nous étions contenté de lui dire de faire attention aux autres, de prendre soin de lui et de profiter de sa jeunesse.

Il n'avait pas dit grand-chose alors qu'il nous regardait ranger les valises dans le coffre de la voiture que Nick avait eupour son anniversaire. Il nous écoutait prévoir nos sorties et nos soirées sans intervenir. Il était parfois semblable à une âme oubliée qui ne savait plus comment donner un sens à sa vie. Nous détestions le voir ainsi, mais nous ignorions comment l'aider à surmonter cette peine.

Une fois la voiture pleine, nous étions tous assis autour de la table de la salle à manger pour le dernier repas ensemble avant quelques semaines. Ma mère, qui était parvenue à se libérer, était également présente et l'ambiance était légère. Nick et moi échangions sur nos cursus et sur les visites prévues dans la ville alors que tout le monde nous encourageaient à profiter de cette nouvelle vie. Seul Jay semblait distrait.

Je ne voulais pas que la dernière image que j'ai de mon petit frère de cœur soit celle d'un garçon triste, mais je ne trouvais pas de solution pour lui remonter le moral. Cela faisait quatre ans que je l'avais rencontré et je ne voulais pas le voir s'éloigner ainsi de moi. Même si cela signifiait devoir l'enchaîner à moi pour le restant de ses jours.

Le repas s'était achevé et Jason m'avait suivi dans le jardin. Son frère était occupé à remplir la glacière avec des bouteilles d'eau pour la route. Il faisait chaud même si nous étions début septembre et la voiture de Nick n'avait pas la climatisation. Il ne fallait pas que l'on risque une déshydratation avant d'arriver à destination.

Assis dans l'herbe, à l'ombre du grand chêne qui trônait dans le jardin, aucun de nous ne parlions. Je profitais simplement de sa présence autant que je le pouvais, tout en me demandant à quoi il pouvait bien songer. Nos épaules se frôlaient de temps à autre et je savourais chaque contact entre nos peaux. Je n'avais aucune envie que cet instant s'achève, que quiconque vienne nous interrompre. Je ne voulais pas le voir s'éloigner à nouveau.

Sans vraiment y réfléchir, j'avais attrapé sa main pour venir jouer avec ses doigts. Il m'avait interrogé du regard, mais mon attention était fixé ailleurs. Il n'avait pas posé de question, attendant que je prenne la parole. Cinq bonnes minutes avaient dû s'écouler avant je n'ouvre la bouche. Je lui avais dit « nous ne serons plus là, Nick et moi, pour veiller sur toi. S'il te plait, ne fais pas de bêtises en notre absence. » J'avais posé mon regard sur lui pour chercher une réponse et il avait hoché la tête. Il n'était pas du genre à chercher les ennuis, mais j'avais besoin d'être rassuré.

Je lui avais adressé un sourire lumineux avant qu'il ne devienne taquin. « On ne sera bientôt plus sur ton dos alors tu vas pouvoir te trouver une jolie fille. » Il avait haussé les épaules et j'avais pouffé. Décidé à le taquiner, je lui avais dit « J'ai eu ton âge, Jay, je sais à quoi tu penses ! » et « Je suis certain que tu as déjà embrassé une de tes copines. ». Il avait arqué un sourcil. « Elijah, je n'ai jamais embrassé personne. » Mes yeux s'étaient agrandis.

Me voir faire cette tête l'avait fait rire aux éclats. J'étais si surpris par son aveu que je n'en croyais pas mes oreilles. Un aussi beau garçon que lui n'avait jamais eu de petite-amie ? C'était impossible. Il n'y avait pas d'âge pour un premier baiser, mais j'étais sûr qu'il était populaire dans son école. Pourquoi n'avait-il jamais fait cette expérience ?

J'avais repris mes esprits et je l'avais interrogé à nouveau. « Jamais ? ». « Jamais ». « Pourquoi ? ». Un nouvel haussement d'épaules. « Et tu en as envie ? » Je vis l'hésitation passer sur son visage pendant un instant avant qu'il ne me réponde. « Je suppose ? » J'avais ri. Il était si adorable que je ne pouvais m'en empêcher.

Je m'étais approché de lui et mon bras était entré pour de bon en contact avec le sien. Mes yeux devaient brûler d'une lueur malicieuse alors que je m'étais penché vers lui, comme si je comptais lui transmettre un secret. Je lui avais dit « il faut bien une première fois à tout ». Je ne sais pas quelle pensée était passée par son esprit, mais la suite des évènements avait été une vraie surprise. De façon maladroite, sa main s'était posée sur ma nuque et ses lèvres avait trouvé les miennes. Le choc m'avait paralysé et il avait pris son temps pour savourer ce contact.

Alors que je revenais à moi, une pulsion me donnant envie d'approfondir ce baiser, il m'avait libéré de lui-même. Il s'était à nouveau appuyé nonchalamment contre l'arbre. Mon regard était resté figé sur lui, la stupéfaction toujours présente sur mes traits. Indifférent, il avait haussé les épaules. « Maintenant, c'est chose faite, Eli. »

Il prenait ça avec tellement de désinvolture que je ne pouvais pas lui dire que son baiser m'avait remué jusqu'au plus profond de mes entrailles. C'est encore éberlué que j'avais quitté la ville avec Nick, dix minutes plus tard, la sensation des lèvres de son frère encore présente sur les miennes. J'aurais tout donné pour les sentir encore une fois sur les miennes avant le départ.

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