CHAPITRE 29

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ELIJAH

Je me souviens parfaitement de la première fois où j'ai présenté l'un de mes petit-amis à la famille Harris. Ce n'était pas le premier que j'avais eu mais il était le premier avec lequel je restais si longtemps. Cela faisait quelques mois que l'on sortait ensemble et j'avais eu envie de lui présenter ma famille de cœur. Il avait été ému par cette proposition et m'avait accompagné dans ma ville lors des vacances suivantes.

J'étais heureux de présenter à mes parents d'adoption l'homme qui me comblait lorsque j'étais loin d'eux. Cependant, l'accueil n'avait pas été exactement comme je l'avais pensé. Élisa et son mari avaient été ravi de le rencontrer mais ça avait été bien différent pour Jason. Il m'avait lancé un regard dédaigneux et avait saisi son sac de sport avant de quitter la pièce. Il n'avait pas claqué la porte, mais ça m'avait ébranlé tout comme. Pourquoi réagissait-il ainsi ?

Je savais qu'il était parti danser, Nick m'ayant parlé de sa nouvelle passion, mais je n'avais pas compris cette fuite. Est-ce lié à une quelconque crise d'adolescence ou m'en voulait-il d'avoir un autre homme dans ma vie ? Avait-il peur que je le remplace dans mon cœur ? Il aurait dû savoir que c'était impossible, qu'il avait une place bien particulière en moi et que personne ne pourrait jamais l'en sortir.

Pourtant, lorsque je les avais vus dans la même pièce, quelque chose m'avait sauté aux yeux. Des détails que je n'avais jamais remarqué avant de les trouver côté à côté. Tony ressemblait étrangement à Jason. Ils avaient une carrure semblable et des cheveux blonds d'une même nuance. La même force se lisait dans leur regard, un mélange de détermination et de charisme. Mais là où les yeux de mon petit-ami était d'un bleu pâle, ceux de Jason étaient orageux. Ils avaient toujours eu une nuance qui me fascinait. Je pouvais être captivé par son regard pendant des heures sans parvenir à m'en détacher.

Cette similitude était-elle fortuite ou avais-je inconsciemment chercher à combler l'absence de mon jeune ami par celle de cet homme ? Nick ne m'avait jamais dis que Tony ressemblait à son frère alors, étais-je le seul à les comparer ? Ce baiser échangé avec Jason deux ans plus tôt m'avait-il tant bouleversé pour que mon petit-ami partage tant de points communs avec lui ? Cette prise de conscience m'avait déstabilisé, me faisant perdre le fil des conversations qui continuait bon train autour de moi.

J'avais fini par croiser le regard de Nick qui semblait me sonder. Avait-il saisi mon trouble ? Il s'était contenté de m'observer en penchant la tête sur le côté avant de reporter son attention sur sa mère quand elle avait proposé de nous servir à boire. J'étais convaincu que je n'allais pas échapper à une conversation avec mon meilleur ami prochainement. Et cela m'allait très bien. J'avais besoin de lui parler.

Jay était couvert de sueur quand il avait passé la porte de la maison. Son tee-shirt collait à sa peau et ses cheveux à son front. Confortablement installé sur le canapé aux côtés de Tony, sa main dans la mienne, je n'avais pas pu m'empêcher de détailler le nouvel arrivant des pieds à la tête. Ce serait mentir que de dire qu'il n'était pas sexy. Il ne m'avait lancé qu'un seul regard avant de gravir les marches deux à deux pour rejoindre l'étage.

Je m'étais excusé auprès de mon petit-ami et j'avais imité le cadet de la famille, l'attendant devant la porte de la salle de bain. J'avais haussé un sourcil en le voyant sortir de sa chambre, frappé par la transformation de son corps. Je ne l'avais jamais vu dans cette tenue avant aujourd'hui et cela ne semblait plus coller au garçon que je connaissais depuis des années. Il s'était planté face à moi, à peine plus petit que moi. Pourtant, sa prestance me donnait l'impression qu'il me dominait de toute sa hauteur.

« Tu ne m'as même pas dis bonjour ». Ça avait été son tour d'arquer un sourcil. Ce n'était pas ce que j'avais prévu de lui dire mais j'avais continué sur ma lancée. « C'était impoli de ne pas saluer Tony ». Il n'avait pas répondu et cela m'avait agacé. « Qu'est-ce que j'ai encore bien pu te faire pour que tu m'ignores à mon retour ? » Il ne semblait pas décidé à me répondre plus et mes poings s'étaient serrés. Pourquoi restait-il mutique ? « Je ne te comprends plus, Jay. » Son regard s'était noirci. « Le gamin que tu étais me manque. » La déception m'avait envahi. « En fait, tu es toujours un gamin. »

J'avais échappé un soupir, lassé de mon monologue, et je lui avais laissé l'accès à la douche. Il était resté un moment planté au milieu du passage alors que je m'éloignais dans le couloir. J'avais eu l'espoir qu'il me rattrape pour s'expliquer mais j'avais rejoint le rez-de-chaussée sans entendre sa voix. J'avais enfilé un masque de bonne humeur avant de rejoindre mon petit-ami qui m'adressait un sourire. Je ne pouvais pas lui dire que ce n'était pas le sien dont j'avais besoin à cet instant.

J'avais toujours détesté ces moments où Jason ne me parlait pas. Ces instants où je savais que quelque chose lui pesait, mais qu'il ne m'en disait rien. C'était important pour moi de le protéger du monde et je haïssais ce sentiment d'incapacité à l'aider. Depuis ce jour où il avait soufflé ses dix bougies, je m'étais fait la promesse de veiller sur lui. Pourquoi étais-je incapable de l'aider quand il semblait en avoir le plus besoin ?

C'était en silence qu'il avait rejoint la cuisine pour faire réchauffer l'assiette que sa mère avait laissé pour lui dans le frigo. C'était en silence qu'il avait mangé, nous regardant de l'autre bout de la pièce. C'était toujours en silence qu'il avait rejoint sa chambre alors que nous prenions congés de cette famille pour retrouver ma maison d'enfance. Ce silence assourdissant qui m'empêchait d'entendre sa voix.

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