Chapitre XV

1.1K 61 6
                                    

Une semaine et demie s'est écoulée depuis. Nous sommes exactement à mardi et, le temps est toujours horriblement beau. C'est incroyable comme le soleil me nargue, lui qui est si lumineux. Durant cette semaine, je suis sortie deux ou trois fois avec Hammond pour manger quelque chose. Cinq est resté toujours aussi froid, mieux encore, il a arrêté de m'adresser la parole à part pour le boulot. Moi je n'ai pas arrêté de sombrer un peu plus, chaque fois il me semble un peu plus beau. Et chaque fois, mon cœur se serre un peu plus quand il m'ignore. Ce qui, est horrible.

J'enfile mon uniforme en soufflant. De toute manière rien ne sera différent d'hier, rien. Je vais aller travailler et je vais être ignorée. Puis je rentrerai et j'irais m'enfermer pour lire ou m'entraîner. En soit, c'est mieux que rien.

Je descends les escaliers doucement, je hais ce rituel. Cinq est comme à son habitude, dans la cuisine plongé dans la lecture de son journal quotidien, et par mégarde il jette un coup d'oeil furtif en ma direction. Ses yeux s'arrondissent puis bougent pour se reconcentrer sur ses pages abîmées. Ça fait un peu plus d'une semaine que je ne lui ai pas fait un seul café. Donc, ça fait un peu plus d'une semaine qu'il n'a pas bu de café, du moins le matin.

Je m'assois sur le canapé, tout est étrangement silencieux. Il y a encore quelques jours je serai en face de lui à lui demander de me lire son foutu journal. Je serai heureuse, avec un putain de sourire aux lèvres. Et il m'embrasserait encore et encore, jusqu'à ce que le soleil se couche. Et même alors, ses doigts tiendraient encore les miens, enlacés parfaitement. Mais non, au lieu de ça je suis ici et lui là bas. Trop loin là bas.
La distance morale oblige la distance physique et dieu que ça m'insupporte. C'est lui et lui seul qui a décidé de tout arrêter là. Moi j'adorerais être encore capable de l'enlacer.

Il se lève enfin et s'avance vers moi, son air est toujours aussi blasé que durant cette dernière semaine. Alors son bras se tend vers moi et ses doigts prennent les miens. Sas peau est douce et pâle, enfin comme d'habitude. Il nous téléporte à la commission et me lâche rapidement. Comme si j'étais empoisonnée ou quelque chose comme ça. Je souffle simplement et entre la première dans les vestiaires. Nos missions sont simples et répétitives ; aller à des endroits stratégiques dans le temps et tuer des gens désignés. Alors je sais exactement ce que j'ai à faire, me changer et enfiler le costard noir. Je m'exécute sans un bruit et sors sans rien ajouter non plus. Cinq attend adossé au mur. Ses yeux glissent sur ma tenue, je me demande si il me trouve toujours attirante comme avant. Si c'est ça, il est vraiment doué pour le cacher. Parce-que je ne peux rien lire dans ses yeux. Enfin, c'est vrai qu'ils luisent d'une lueur différente depuis quelques jours mais je suppose que c'est normal.

Il ferme la porte derrière lui, il a déjà fini et le costume, comme à l'accoutumée lui va à merveille. Cinq est vraiment un beau personnage, ses traits fins et sa mâchoire définie sont harmonieux ensemble. Et au delà du fait qu'il m'attirait déjà, sa personnalité quand on apprend à la connaître est plaisante aussi. Quoi que quelque peu difficile à assimiler. Mais je suis sûre que si il s'ouvrait un peu plus ce serait plus facile pour tous les deux.

- Ashley, aujourd'hui on va en France alors attrape ta malette.

Autre point important, il en m'a plus jamais appelée Ash. Bien que quelques fois il était à deux doigts de le faire mais il s'est rapidement rattrapé. Comme si pour lui m'appeler "Ash" était signe d'une certaine proximité.

- quelle date?
- 19 Janvier 1986.

J'actionne la malette, c'est parti.

19 Janvier 1986, Paris, France.

J'atterris dans une espèce de fabrique abandonné. Cinq atterris un peu plus loin, ses cheveux en désordre. Son voyage a été un peu mouvementé on dirait.

- je prends par la gauche.

Je me dépêche de charger mon pistolet et de partir sur la gauche. Tout semble vide et calme. La cible est un homme d'âge moyen, apparemment protégé par quelques gardes du corps. Ça devrait être facile.

Le travail achevé, je range mon pistolet dans ma poche. Je suis imbimée de sang et ça pue. Je passe ma main sur mon costume et évapore tout ça. Cinq arrive avec la lèvre légèrement éraflée et du sang partout aussi.

- tu t'es blessé? Ça va?

Je m'approche vers lui, le sang sur son menton est le sien. Es-ce qu'il a mal? Je m'approche un peu plus, je ne vois pas vraiment la taille de l'entaille mais elle a l'air plutôt profonde. Vu la luminosité, si je m'approche encore un peu... Mais Cinq recule brusquement en fronçant les sourcils.

- laisse.

Il pose sa main sur sa lèvre. Son air est tellement offusqué, ce qu'il est sensible. J'évapore le sang coagulé sur ses vêtements, en colère de sa réaction. Je ne peux même pas m'approcher de lui? Ce garçon est vraiment des plus insupportable.

- fais comme tu veux, mais si ça s'infecte tu vas avoir mal.

Je prend ma malette sèchement et me téléporte. J'en ai plus qu'assez du comportement de ce garçon capricieux, je ne lui ais strictement rien fais qu'il ne voulait pas faire. Il était tout aussi partant que moi, alors je ne mérite pas d'être réprimandée comme ça pour rien.

Je me dépêche de me rhabiller et Cinq fait pareil. Il me tend sa main que j'attrape sèchement. C'est mon tour à d'être insupportable.

- Ashl-
- tais toi et téléporte nous.

Si il ne se dépêche pas j'y vais à pied. Je n'ai aucune envie de me disputer avec lui. Déjà que je n'ai rien fait durant une semaine et demie, je ne me suis pas plainte et je n'ai pas remis en cause sa décision alors qu'il la ferme maintenant.

Je ferme la porte de ma chambre et m'assois sur mon lit agacée. La journée est si fichtrement belle, je déteste ça. Tout ici me rappelle cette foutue mauvaise semaine.

- Ashley?

Ses mains s'agrippent à la poignée de la porte. Ses yeux son affaiblis et moins vifs qu'à l'habitude.

- oui?

Je m'assois en tailleur sur mon lit, ses yeux passent rapidement tout autour de moi pour analyser la pièce d'un air nostalgique.

- désolé, je n'aurai pas dû agir comme ça je suis un...
- crétin ? Un agaçant et insupportable crétin ? Oui Cinq tu l'es.

Mes yeux brûlent, si je pleure maintenant il aura gagné.

- désolé...
- oui, effectivement, désolé. Maintenant si tu veux bien sortir j'aimerais me changer.

Je me lève et lui claque la porte au nez. L'humidité gagne mes yeux et rapidement, un torrent de larme se déchaîne et  je me laisse aller. Si seulement c'était pas aussi dur, si seulement j'étais pas aussi attirée par lui. Je me déteste pour ça, pour l'importance que je lui donne. Si seulement Cinq n'était pas Cinq, tout serait si facile. Tellement facile.

𝑻𝒉𝒆 𝒍𝒐𝒔𝒕 𝒎𝒆𝒎𝒃𝒆𝒓.Where stories live. Discover now