chapitre XXI

934 44 4
                                    

Respirer, si seulement je pouvais... Mais j'ai mal, où? Ma tête me fait mal, horriblement mal. La mort n'est-elle pas sensée être douce? Mon cœur bat à la chamade dans ma poitrine, comme si il allait exploser. Mais mes membres sont engourdis, brisés, anéantis.

- Ashley, lève toi.

La douce voix de Madame Beauvais résonne au loin. Madame Beauvais ? J'ouvre les yeux peu à peu. La lumière m'aveugle pendant quelques secondes. Je me lève brusquement et vérifie mon bras. Rien. Comment ça se fait ? Est-ce que j'ai rêvé ? Est-ce que je rêve ?

- Madame Beauvais ?

Elle est là. Bien vivante. Ses cheveux gris élégants sont tirés en arrière pour former un chignon parfait, elle porte sa jolie robe habituelle. Ses lèvres sont retroussées et elle range un peu ma chambre. Ma chambre. Combien de temps est-ce que ça fait que je ne suis pas venue ici ? La lumière qui entre par les deux grandes fenêtres et le parquet clair qui grince sous les pieds de Madame Beauvais. Je me lève et vais directement inspectionner mon état devant la glace. Je suis là même qu'avant. Mais aucune trace des suçons de Cinq. Et pas non plus de pensement à mon doigt. Je me retourne, pétrifiée à l'idée que tout ça n'ait été qu'un rêve. Non. C'était trop pour seulement un rêve. 

- Madame Beauvais ?
- oui?

Elle se redresse avec quelques vêtements sales dans les mains. Un air d'étonnement s'inscrit sur ses vieux traits. Elle est exactement comme avant. Je prend une grande inspiration et me lance. Si je ne le dis pas maintenant, je ne le ferai jamais.

- je vous aime, vous me manquez.

Le larmes dévalent mes joues. Ça fait des années que je rêve de lui dire ça. Et des années que je n'en ai pas l'occasion. Maintenant, je vais le dire encore et encore. Parce-que, elle est morte. Parce-que, d'une seconde à l'autre elle va disparaître. 

- oh Ashley, chérie, dit-elle en adoucissant son regard. 

Elle s'avance vers moi et me fait un câlin légèrement froid mais plaisant tout de même. Je m'y réconforte, c'est la première fois. Sa main se pose sur le long de mon crâne et elle caresse mes cheveux, je l'aime tellement. 

- chérie, je sais que c'est dur, que tu es épuisée mais il faut que tu te réveilles, dit-elle d'une voix qui fait fondre mon cœur. 

Elle m'éloigne et me regarde dans les yeux. Je n'ai pas envie de me réveiller, je suis tellement bien ici. Et si quand j'ouvre les yeux Cinq a déjà disparu? Je ne verrais plus Madame Beauvais. 

- tes amis t'attendent.

Elle passe le gras de son pouce sur ma joue mouillée. Si je ne reviens pas, serait-ce grave? Je suis si bien ici. Dans cette chambre, remplie de vieux jouets d'enfance délaissés et de quelques livres mal rangés dans la bibliothèque. Les murs sont blancs, les rideaux bleu-gris et les draps fleuris. 

-  et il t'attend. 

Il? Qui ? Je creuse dans ma mémoire qui s'estompe peu à peu.... Cinq. Comment ai-je failli oublier Cinq ? 

- je ne sais pas comment-

Je suis interrompues dans mon élan. Le noir envahi la pièce. Où suis-je ? L'angoisse prend vite place, je ne devine rien dans cette obscurité opaque. 

Le néant.

Je me redresse douloureusement. Je suis sur un vieux tapis dans une vieille Fraternité bondée. Un bras musclé se glisse dans mon dos. Tom. Je regarde vers lui. Ses cheveux noirs sont plaqués vers l'arrière avec un peu de gel et son tee-shirt noir avec un groupe de rock lui donne un air mauvais. Je remarque qu'il écrase une cigarette bien entamée, pendant que ses yeux, injectés de sang glissent sur ma robe. Je ne voulais pas de cette robe, de cette vie, de cette drogue. Si j'aurais pu choisir, je serai surement la tête dans un bouquin, trop occupée à suivre la musique jouée par des violons comme pour me préoccuper de ces terribles fêtes. 

- alors bébé, tu veux un peu de vodka cerise?, dit-il en me tendant un de ces horribles verres rouges? 

Sans vraiment savoir pourquoi, j'accepte le gobelet rouge et le porte à mes lèvres. Le goût à cerise est fort et suave, tandis que la vodka elle, brûle ma gorge. Je ferme les yeux pour mieux savourer, avec un peu de chance ça rendra cette soirée meilleure. Tom embrasse ma joue pendant que je bois. Ses lèvres laissent une trace humide sur cette dernière. 

- on pourrait monter maintenant ?

Il glisse sa main sur ma cuisse. Je devrais monter, il n'y a que comme ça qu'il continuera à m'aimer. Madame et Monsieur Beauvais vont me tuer. J'acquiesce et pose mon verre. Tom prend alors ma main et m'incite à me lever moi aussi. J'ai comme une boule au fond de la gorge. Comme si je trahissait quelqu'un. Mais qui ça peut bien être ? Peu importe, je lisse ma robe trop courte en regardant frénétiquement autour de moi. 

- cinq minutes bébé, je vais chercher de l'eau.

Cinq minutes....cinq...cinq... Cinq Hargreeves. C'est lui. Une chaleur monte en moi. Je dois le trouver. Tom s'avance vers moi, un sourire beat sur les lèvres. Je me souviens maintenant, c'est maintenant. Taylor va débarquer et m'annoncer qu'ils ont une relation. Mais cette fois-ci, je vais gagner.

- on monte alors ?

Je souris aussi. 

- non, j'ai quelqu'un d'autre à trouver.

Tom hausse un sourcil, crétin. 

Le néant.

Je suis en face de ce mur, le mur vert recouvert de craie. Chaque petite pensée de Cinq est gravée ici. De longues équations interminables. Je tends mon bras et touche le mur, comme si par magie il allait disparaître. Ses bras glissent sur ma taille et son menton se pose sur mon épaule. Attendez. Je jette un coup d'œil rapide à ma tenue. Je porte sa chemise. Je passe mes doigts sur le mur. Son souffle chaud s'écrase sur mon cou. Est-ce le paradis ?

- l'une de ces équations attire ton attention, chérie?

Je devine facilement son sourire en coin. Le bout de ses de doigts caresse mes cuisse nues. Je me retourne pour le regarder dans les yeux. Son visage est parfait. Il est beau. Il est aussi très torse nu. Ses lèvres s'écrasent sur ma joue et il y dépose plusieurs baisers. J'enroule mes bras derrière sa nuque et embrasse sa joue aussi. J'ai trouvé ma saveur préférée. 

- Ash, je t'aime tellement, chuchote-il à mon oreille.

Ses mots sont comme une claque horriblement douloureuse. Tout ça est faux, c'est mon imagination. Et pourtant, je l'aime tellement que là tout de suite je pourrais mourir. Juste d'amour pour lui. Si il m'en donnait l'occasion, j'abandonnerai tour à tour tout ce que j'ai juste pour lui. 

- je t'aime aussi.

Ma voix se brise, ça y est, je lui ai déclaré ma flame. Il pose sa main sur ma joue. Je ferme les yeux et laisse aller ma joue contre celle-ci. Je peux deviner son sourire. Et, il peut surement voir le mien aussi. 

- je sais que tu es effrayée, mais je suis là. Pardonne moi, pardonne chacun de mes mots. Tu sais que je ne sais pas comment aimer, mais tu es ma réponse. Ne me lâche pas. 

Il m'embrasse, quel délicieux moment. Sa langue glisse contre la mienne et ses lèvres se moulent parfaitement aux miennes. Je tends ma main pour la mêler à la sienne. Peut-être que je devrais rester ici? De l'autre côté, Cinq ne m'aime pas. Ici, il semble vivre pour moi. Comme si nos corps étaient un seul, défiant l'harmonie et la perfection. 

- je n'ai pas envie de partir.

Il caresse mes cheveux avec sa main. En embrassant mon crâne.

- vas-y, tu le dois. 

Il s'éloigne un peu de moi et pose deux doigts sur son front comme pour me faire un signe d'au revoir. Je rigole un peu et il rigole aussi. Le quitter me fend le cœur. 

- on se reverra bientôt, promis.

Je ferme les yeux.

Néant.


𝑻𝒉𝒆 𝒍𝒐𝒔𝒕 𝒎𝒆𝒎𝒃𝒆𝒓.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant