Keep it secret

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Olivia

J'entre en osmose à chaque fois que nos regards se croisent à travers la fenêtre. Je déteste lorsque cela arrive, mais j'espère toujours que ça se reproduira.

Je ne sais pas ce que je suis entrain de développer pour ce garçon dont je ne connais même pas le prénom et qui plus est, l'ex petit ami de ma cousine. Je suis juste sûre d'une chose : c'est nocif.
Mais je ne peux plus m'empêcher de le chercher du regard à chaque fois que je mets le pieds dehors, ou quand je passe par la fenêtre du salon qui donne sur son jardin. C'est trop tard.

Sa façon de fouiller en moi, d'essayer de creuser dans les profondeurs de mon âme rien qu'en me dévisageant me colle des frissons ; je pense que c'est justement ça qui me rend de plus en plus accro à lui, malheureusement. Je pense que j'en ai besoin. J'ai besoin qu'il continue de chercher, j'ai besoin qu'il trouve, j'ai besoin qu'il me délivre.

Ça fait un peu plus d'une semaine que j'ai emménagé chez Rachel. Son appartement n'est pas le plus luxueux de la zone, mais il est plutôt beau, grand et bien équipé pour une fille de dix-neuf ans.
J'ai eu le temps de m'y habituer, ce qui n'est généralement pas très compliqué pour moi.
Nous sommes sorties presque tous les jours pour aller soit faire les boutiques, soit se faire un restaurant. Remarque, c'est l'avantage de ne vivre qu'à deux. Du coup je maîtrise déjà un peu le quartier et ses alentours.

« Demain je commence les cours. » Je soupire à cette pensée.
Mon premier jour à l'Université.
Je n'ai pas hâte. Mais bon, il faut bien que j'y aille. Et puis, ça ne doit pas être si compliqué que ça, les études supérieures.

Je me laissai tomber mollement sur le lit puis fermai les yeux en lâchant un nouveau soupir, plus bruyant cette fois.
Les souvenirs de mon passé se mirent alors à défiler dans mon esprit. Je pouvais les voir sous mes paupières closes, passer en file indienne comme des chars lors d'un carnaval. Oui, ces souvenirs ! Cette époque dont je n'aurais jamais pu redouter la fin. J'étais petite, heureuse, pleine de vie, d'espoir et de magie. Aujourd'hui ma vie ne ressemble plus qu'à une longue divagation. Tout m'intéresse, rien ne me passionne. Il me manque le sel des obsessions.
Ça fera bientôt trois ans. Oui, trois ans que je vis avec cette amertume dans le cœur. Avec le soin d'éviter de parler de mon histoire et de ce que je ressens, par crainte de susciter la pitié, ou de laisser les gens penser que je me fais passer pour une victime. Pourtant j'en ai tellement envie. Non, j'en ai grand besoin ! J'ai besoin de crier partout que j'ai mal ! Que je ne vais pas bien, et que j'ai besoin d'aide. Mais je ne peux pas. Plutôt crever à l'intérieur que de se fier à cette société merdique.
Alors je fais semblant de "m'adapter", comme on dit. Je me cache sous une carapace et m'efforce à sourire, quand bien même je n'en ai aucune envie.
Oui, ça va faire trois ans que le bonheur m'a dit adieu.

INSAISISSABLEWhere stories live. Discover now