Toc toc ? C'est Mr Le Rêve

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Yoahn

Après qu'elle soit passée derrière l'appartement, je ne l'ai pas revue. Elle devait être rentrée par derrière, et bien que je le croyais, je restai quand-même cloîtré là devant ma fenêtre, à attendre de voir sa silhouette resurgir à travers la brume et les gouttes de pluie. Je ne sais même pas combien de temps je suis resté à cette place, mais ça devait déjà faire plusieurs minutes puisque ma tasse de thé chaud s'était refroidie entre mes mains.
« Merde, je commence à devenir bête moi ! » pensai-je en détournant le regard de la fenêtre. Je m'apprêtais à tourner les talons lorsque j'aperçus du mouvement de l'autre côté de la clôture qui séparait mon jardin de celui de Rachel, et je l'ai vue, encore elle, dévalant cette fois les marches de la devanture, munie d'un parapluie violet et d'un petit sac à dos rose en forme lapin. Elle avait l'air pressée, et même paniquée. Il me semble qu'elle eut une urgence, mais pas du genre scolaire, non: du genre à lui coller la peur au visage et le désespoir dans les gestes... du genre à me rendre inquièt.

Les heures passaient avec la lenteur la plus exaspérante, j'essayais pourtant de me convaincre de mon indifférence, mais je ne pouvais empêcher ce brin de nervosité qui faisait comme me pincer l'estomac à chaque fois que je repensais à elle. « Qu'a-t-il bien pu se passer? A-t-elle appris une mauvaise nouvelle? Probablement... Mais quoi? » Directement après m'être posé cette question, je pensai à Rachel. C'est vrai qu'elle n'était pas encore rentrée, et ce n'est pas trop dans ses cordes de traîner après les cours. « Et s'il lui était arrivé quelque chose ? » Ça expliquerait l'affolement de sa sœur.

La pluie s'était calmée, on n'entendait plus que les gouttes d'eau restante sur le toit qui tombaient mélodieusement dehors au rythme des secondes. J'étais allongé devant la télé et je m'efforçais à comprendre le sens de cet épisode de South Park, en vain. Puis je me levai pour aller me chercher une cigarette. Je n'avais pas sommeil. Je ne comptais pas dormir sans savoir ce qui clochait chez les voisines.
En revenant m'installer sur le canapé, j'entendis une voiture s'arrêter dans la rue — oui, mon attention était plus à l'extérieur qu'autre part. J'allai vérifier, et je vis la petite voisine sortir d'un taxi, elle avait l'air plus sereine que tout à l'heure, elle marchait calmement. Puis elle alla s'enfermer chez elles. Ni une ni deux, je m'y aventurai...

~~

Olivia

Je rentrais tout juste de l'hôpital, et j'avais à peine eu le temps d'enlever mon manteau que j'entendis toquer à la porte d'entrée. Je restai un peu perplexe. « Qui ça peut bien être ? Nous n'avons aucune affinité avec nos voisins, Andie ne connaît pas encore la maison, et en plus à cette heure... » Mais bon bref, qui sait? Et puis autant en finir, de toute façon je n'aurais vraiment pas envie qu'on vienne me déranger avec des coups contre la porte une fois que je serais couchée.

— Qui est-ce ? Soufflai-je en me dirigeant vers la porte.

Silence...

— Qui est-ce ? Répétai-je plus fermement.

Mais la personne — ou quoi que ce soit qui venait de toquer semblait bien décidé à laisser planer l'incertitude. Malheureusement pour elle, moi, je déteste ce genre de plaisanterie. Je m'apprêtais à rebrousser chemin lorsque j'entendis raisonner un « euh... » de l'autre côté de la porte et mon cœur entama une course folle quand pendant un instant je crûs reconnaître la voix de...

— Yoahn.

Et boum! Mes méninges me lâchèrent lorsque mon invité surprise prononça son prénom.
« Qu'est-ce qu'il fout là, lui !!! » « C'est mon cœur que j'entends battre là ? » « Je rêve ? »

je... hem... je t'ai vu sortir tout à l'heure, tu avais l'air inquiète et... je n'ai pas vu Rachel rentrer alors je voulais savoir si tout allait bien.

"Sueurs froides", c'est maintenant que je comprends le sens de cette expression.
Je suis pétrifiée ! C'est pire que si ça avait été un meurtrier là, à sa place. Oui, j'aurais probablement préféré un meurtrier à la place.
Je ne me rappelle pas de la dernière fois que j'ai été aussi indécise — « j'ouvre, je n'ouvre pas? J'ouvre, je n'ouvre pas? » « putainnnn ! Pourquoi je suis aussi stressée ? »
Je posai une main sur la poignée, pressai, puis poussai tout doucement. Je ne rêvais pas, c'était bien lui. Avec toute la prestance imaginable chez un garçon. C'était la première fois que je le voyais d'aussi près. Et damn !!! il est beaucoup plus beau sous cet angle là ! Le carnaval dans ma tête se calma d'abord, le temps de me laisser contempler en toute lucidité les traits parfaitement ciselés du visage de mon voisin pour qui je ne devrais rien ressentir mais qui m'a déjà malheureusement à ses pieds sans le savoir.
« J'espère que je ne bave pas au moins.»

Je clignai des yeux puis me raclai la gorge pour me redonner un peu de contenance.

— bonsoir.

Alléluia ! Elle a réussi à dire un mot, un vrai ! C'est déjà bien...

— bonsoir. Répondît-il.

INSAISISSABLEWhere stories live. Discover now