Petites dames de Yoahn

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Yoahn

Plusieurs jours que maman était partie, je me sentais toujours aussi triste et vide la nuit, tout seul dans mon lit, en repensant à sa voix, son rire et ses yeux attendrissants. Mais loin de tout ce que j'avais pu imaginer, en fermant les yeux, il me restait toujours l'envie de me réveiller le lendemain, et de revoir le jour. Car le jour, je pouvais être avec Olivia.
Je sais, c'est étrange que dans ce cas, je ne pense pas plutôt à ma sœur, ou à mon meilleur pote. Mais comment l'expliquer...
Je ne sais pas en fait.
Tout ce qui était clair dans mon esprit, c'est que cette fille était beaucoup plus qu'un rayon de soleil dans la grisaille que constituait mon existence en ce moment. Elle m'aidait à tenir le coup, quand bien même je m'efforçais de croire que ce n'était pas le cas, que ce n'était pas elle, et qu'elle ne pourrait pas. Mais plus on passait de temps ensemble — ce qui devint très régulier —, plus je me résignais à accepter que j'étais entrain de faire d'elle un pilier pour moi. Et cette idée, je la craignais et la redoutais plus que toute autre chose; il ne fallait pas qu'elle devienne aussi importante.
Sauf qu'au point où nous en étions, c'était déjà le cas.
Il ne s'est pas passé un jour sans qu'elle ne passe, « juste pour vérifier si je suis là, entier.», comme elle le prétendait souvent en plaisantant. Elle a même passé une autre nuit chez moi — hun hun, sans ambiguïté : c'etait une "soirée pyjama" à laquelle elle avait été invitée par Mavis, et elles sont restées toute la nuit dans le salon rien que toutes les deux, parce que ça ne me concernait tout simplement pas.
Et ouais, je tiens à me justifier.
Dans tous les cas, Liv et moi nous sommes sacrément rapprochés depuis, et ce, de la plus naturelle des manières.

Allongée sur le dos la tête posée sur mes genoux, elle tenait entre ses mains, mon petit cahier de dessins, celui dans lequel je griffonnais vaguement lorsque je m'ennuyais, ou lorsqu'il fallait juste que je couche quelque chose sur papier, sans pour autant être concentré. Les pages les plus récemment utilisées étaient par exemple remplies de représentations de certains de mes personnages d'animés préférés d'une part, et de caricatures superficielles d'elle de l'autre.

— mon front n'est pas aussi grand en réalité ! Si ?

— ... Si.

— c'est pas vrai, s'indigna t'elle.

— puisque j'te l'dis.

Elle haussa longuement les sourcils, visiblement peu convaincue.

— tu sais quoi, si on fait abstraction de tous mes portraits, on se croirait vraiment entrain de feuilleter le calepin d'un gamin de cinquième fan de mangas. Sinon, celui d'un psychopathe.

— c'est ça, fais-moi croire que tu n'es pas enchantée, et même totalement émoustillée de voir ton visage partout, là.

— bah... pour tout te dire, jusqu'à présent je me demande surtout pourquoi c'est le cas.

— il faut dire que les choses étranges me fascinent.

Elle se redressa et porta une main à sa poitrine, l'air faussement choquée par ce que je venais de dire.

— au moins je retiens un point positif : je te fascine, conclût-elle avant de regagner sa position précédente avec un sourire béat sur les lèvres.

Franchement, je me demande pourquoi je ne l'ai toujours pas embrassée.
Sérieux, ça fait un moment qu'on flirte. Et je commence sincèrement à douter sur mon assurance en la matière. Ce n'est pas qu'elle m'intimide, mais... ce n'est pas non plus comme si je me sentais libre de lui faire tout ce que je veux, et c'est justement ça, qui est étrange.

Elle continuait de tourner les pages, et moi j'étais fixé sur mon portable, dans le plus grand silence, jusqu'à ce que...

— Dis Yoahn.

INSAISISSABLEWhere stories live. Discover now