Baiser de roi

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Olivia

Debout en face de moi — assise dans le canapé et fuyant ses yeux —, Yoahn me regardait avec insistance. J'avais presque comme l'impression qu'il me toisait de toute sa hauteur.
Puis, mon voisin approcha et sans que je ne l'y invite, prit place à côté de moi.
Le silence déposait une masse de béton sur mon cœur, qui devenait trop lourd : trop lourd de pensées enfouies, trop lourd de non-dits, trop lourd de sentiments inavoués et inavouables. J'étais mal. J'avais mal. J'avais envie de pouvoir tout lui dire. Lui dire que le fait qu'il côtoie d'autres filles me rendait jalouse, que quand il ne me parle pas je suis au plus bas de ma forme, et qu'un seul sourire de lui refait ma journée quand elle a mal commencé. J'aimerais aussi pouvoir lui dire qu'il n'y a qu'auprès de lui que j'oublie que je n'ai pas une vie idéale, mes peines et mes blessures, mes douleurs et mes cicatrices. Qu'avec lui je profite de chaque instant, je me réjouis de tout et de rien sans penser à hier ni à demain. Et que ce n'est qu'à lui que je pense à longueur de journée et dont je rêve toutes les nuits. J'aimerais pouvoir lui dire que je l'aime, plus qu'aucun autre, plus que je n'ai jamais aimé.
Mais je ne pouvais pas. Car lui, il ne ressentait rien pour moi qui aille au-delà de l'amitié. Et qui sait, peut-être même que ce n'était juste que de la pitié. Je ne comptais pas pour lui autant que lui pour moi, c'était certain. Moi, je ne lui aurais jamais posé un lapin le jour de son anniversaire parce que je m'envoyais en l'air avec un autre mec. Lui il l'a fait. Exactement. Je ne représentais donc rien pour lui. Rien à part une petite fille du coin, accro à son regard qui serait prête à lui lécher le cul s'il le demandait.

Mon cœur battait la chamade. Ni lui ni moi n'osions prononcer un traître mot. Je lui lançais des regards furtifs tandis que lui n'avait pas l'air de détacher ses pupilles de moi.

— Bon, ça suffit, Yoahn. Qu'est ce que tu veux ? Me parler, tu as dit, non ? Alors vas-y. Fais-le et va-t-en avant que Rachel ne rentre, on s'est déjà assez engueulées à cause de toi comme ça.

Il afficha un rictus taquin.

— C'est toujours sexy de voir deux meufs se faire la guerre pour un mec, lâcha-t-il.

« Non mais j'hallucine ! Il n'a pas vraiment osé... Si ?! "»

— Je rêve, ou tu es carrément entrain de te foutre de ma gueule, là ? Yoahn, est-ce que tu te rends un peu compte de ce que tu viens d'avancer ? Tu penses ne serait-ce qu'un peu à ce que ça pourrait signifier, cette connerie que tu viens de dire ?

— c'était à prendre au second degré, s'expliqua-t-il en levant les mains comme pour s'innocenter, de manière pas moins blagueuse.

— tu me prends vraiment pour une débile, hein ? Ça se voit. Si tu avais la moindre considération envers moi tu ne te comporterais pas comme ça.

— mais comment ? Comment est-ce que tu crois que je me comporte, toi ?

— tu es un gros imbécile, voilà. Tu fais tout de travers, et tu ne me respectes pas. Tu n'en as rien à foutre de moi, avoue, Yoahn.

— j'adore quand tu prononces mon prénom.

Un frisson parcourut instantanément le long de mon échine. Cette phrase ne me laissa pas insensible, et son timbre vocal encore moins.

— t'es un putain de gros problème, soufflai-je au bord de la crise de nerfs.

— c'est toi qui en vois partout, des problèmes, mademoiselle Olivia. Tu es susceptible comme un rhinocéros et tu es toujours sur la défensive.

— tu viens vraiment de me comparer à un rhinocéros, là ?, M'indignai-je en plissant les yeux d'un air menaçant.

— Ah, tu vois ! C'est exactement à ça que je fais allusion.

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