chapitre vingt-et-un

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Ambre se trouve derrière un écran, une vieille bobine de cinéma déroule son enfance

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Ambre se trouve derrière un écran, une vieille bobine de cinéma déroule son enfance. Elle se sent étrangère à ce corps, comme s'il ne lui avait jamais appartenu et elle ne peut se souvenir d'un moment heureux, il n'y a que des taches sombres.

Et elle jure que son ombre est plus claire que ses pensées embrumées de souvenirs.

Ses mains s'accrochent fermement à sa nuque et elle ferme les yeux avec force pour ne pas voir, pour ne pas entendre. Seuls les souvenirs remontent à une vitesse démesurée et Ambre se sent acculée, prise au piège.

Les souvenirs étaient là, au bord de sa mémoire, toujours présents, dans son inconscient et ils se mettent à déborder du vase de sa mémoire. Un flot d'émotions la submerge.

Il est incontrôlable.

Il est intolérable.

Et Ambre se croyait invincible, mais comme tout bateau, elle n'est pas insubmersible et ne peut rester insensible devant toutes ces émotions.

Elle éclate en sanglots face à la douleur. Les démons de son passé dévorent ses entrailles de l'intérieur, ils doivent se régaler. Son cœur bat fort, sortant de sa poitrine, il hurle à la mort et Ambre ne cesse de trembler.

Elle ne cesse de pleurer, elle se moque que son image de fille modèle s'évapore aux yeux des autres. Elle souhaite juste que tout s'arrête, que sa mémoire arrête de se croire chez elle à l'intérieur de sa boîte crânienne, comme si elle avait été toujours sienne.

Ça n'a jamais été le cas.

Sa mémoire n'a jamais existé. Elle était l'une de ses imperfections qu'Ambre tentait de dissimuler aux yeux des autres. L'une de ses défaillances la protégeant de son enfance, préservant son innocence.

- Ambre, regarde-moi.

Ses mains se posent sur ses poignets égratignés de cicatrices béantes et Ambre ouvre les yeux sous ce contact. Il n'y a qu'un regard bleu lui faisant face et la jeune métisse supplie d'une voix enfantine :

- J'veux partir.

Et Pierre acquiesce, il attrape Ambre par la main en prenant garde à ce qu'elle ne tombe pas en le suivant dans les escaliers, pour fuir cette soirée et ses pensées. Ambre a les jambes tremblantes si bien qu'elle s'agrippe fermement au bras du sportif pour ne pas chuter jusqu'à être assise à l'intérieur de sa voiture, en sécurité.

Et Pierre a compris qu'il devait rouler jusqu'à ce que la principauté disparaisse derrière eux, jusqu'à passer deux autres frontières et Ambre n'a pas lâché sa main un seul instant. Elle a planté ses ongles manucurés dans sa chair, en ne souhaitant ne jamais revenir.

La voiture finit par s'arrêter, et Pierre ouvre la portière côté passager, il attrape la jeune métisse dans ses bras et il ne ressent pas la fatigue alors qu'il fait nuit noire à l'extérieur. Il aimerait juste que ses sanglots cessent, peu importe ce qu'il doit faire, pour qu'elle aille mieux.

Il ouvre la porte de son appartement et l'emmène directement dans la chambre, lui retirant sa robe et ses collants avant de lui passer l'un de ses vêtements. Ambre se glisse au milieu des draps et elle tombe sur une bouteille d'alcool vide perdue quelque part dans ces derniers.

- Pierre, souffle-t-elle en lui désignant la bouteille de rhum.

- C'est juste que... Jules...

Sa voix se brise, ses yeux bleutés croisent les siens. Il se sent si faible face à la consternation qu'il peut lire sur le visage brouillé de larmes d'Ambre, et il ne peut contenir plus longtemps ses larmes, celles qu'il garde depuis Suzuka.

Ambre l'attire contre elle, rabattant la couverture sur son corps brûlant. Elle comprend qu'il a lui-aussi des souvenirs exhumés difficiles à supporter, et qu'il n'a pas eu assez de force pour les lui confier.

- Je crois que je préférerais oublier, lâche-t-il.

Ambre déglutit difficilement, c'est désormais son vœux le plus cher. Elle aimerait s'ouvrir le crâne et vider tous ces souvenirs encombrants. Elle souhaite perdre la mémoire de nouveau si cela peut apaiser ses sanglots.

Mais pour la première fois, Ambre sait un bout de son existence. Elle comprend d'où provient cette crainte de l'obscurité, celle de voir resurgir un monstre dans sa chambre, rampant sur le bout de son lit.

Il n'y a personne pour se soucier de ses souvenirs excepté Pierre. Et en essayant les larmes roulant sur les joues du pilote, Ambre comprend qu'elle n'a personne d'autre que lui pour alléger le poids de ses secrets, et, que le rouennais est dans la même situation.

- Embrasse-moi, quémande-t-elle.

Et l'hésitation se lit au fond de ses pupilles et il finit par céder en déposant doucement ses lèvres sur les siennes. Ambre ne pense plus à l'ébullition dans sa tête, seulement à ses lèvres rosées qui apaisent son affliction.

Elle espère également apaiser la sienne et quand ils s'endorment simultanément dans les bras de l'un et de l'autre, leurs souvenirs cessent de resurgir. Ils ne sont pas tourmentés par ces derniers, seulement aimés un court instant.

Et le réveil est brutal.

Les souvenirs sont intolérables.

Ambre a l'impression de chuter, de s'écraser contre les pierres rocheuses d'un flanc de montagne. Elle hurle à en perdre la voix, à s'en exploser le crâne car pour la première fois toutes ces sensations sont combinées les unes avec les autres.

Elles sont décuplées.

Elle s'en moque de réveiller le monde entier, si seulement tout pouvait s'arrêter de resurgir à une vitesse démesurée.

Des milliers d'interrogations dont elle a désormais les réponses.

Et elle comprend enfin les paroles de son aînée. Avant, Ambre n'avait pas besoin d'oublier.

C'est désormais devenu une nécessité.

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DÉPENDANCE » Pierre Gasly ✓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant