chapitre trente-et-un

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Ambre traverse les couloirs blancs avec la vision brouillée par les larmes, elle manque de heurter une infirmière en courant presque à la recherche des toilettes

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Ambre traverse les couloirs blancs avec la vision brouillée par les larmes, elle manque de heurter une infirmière en courant presque à la recherche des toilettes.

Elle doit vomir.

A peine ces derniers trouvés, elle ouvre une porte et se laisse tomber sur les genoux pour ne cracher que de la bile. Son estomac est vide et il se retourne à l'intérieur, il n'a rien à régurgiter. Comme une vieille habitude revenant de plein fouet, à l'époque où elle passait son temps à régurgiter toute la liqueur ingérée jusqu'à s'en brûler l'œsophage.

Elle se laisse tomber contre la paroi de la cabine avec des pensées obscures qu'elle n'avait plus eu depuis des années. Il y a aussi cette appel criant, celui de ses veines qui quémandent leur morphine, pour s'apaiser.

Le craving comme dirait les anciens de l'association.

Ce dernier est un appel puissant. Une pulsion irrépressible et dévorante de consommer. Ambre est sûre de sentir ses veines se dilater et son corps, tout entier, se met à trembler sous cet appel sanglant. Elle a l'impression de revivre son sevrage une deuxième fois en sentant son cœur palpiter, peut-être est-ce une autre crise d'épilepsie ?

La première aurait pu être fatale si elle avait été toute seule. Ses doigts se resserrent sur son médaillon avec conviction comme pour ne pas craquer. Ambre se contient pour résister à cet appel sanglant de s'ouvrir les veines pour que son corps arrête d'être en trans.

Et sans attendre, elle plante ses dents dans son bras pour étouffer son hurlement de désespoir. Le goût métallique se répend dans sa bouche, il est amer. Ambre relâche la pression en desserrant la mâchoire de son bras où une marque reste sur sa peau métissée.

Le craving est passé.

Ses doigts relâchent son médaillon.

Elle n'a pas craqué.

Mais les pensées obscures d'Ambre restent dans un coin de sa tête alors qu'elle commence à sangloter, ne pouvant plus s'arrêter. Elle a trop de regrets qui la rongent, elle se sent affreusement mal en se souvenant du jour de son départ, de la manière dont elle est partie avec colère.

Elle se souvient des mots qu'elle a dit.

Ses sanglots s'accentuent si seulement Ambre avait su que ces paroles seraient les dernières échangées avec le seul père qu'elle n'ait jamais eu.

Des pas raisonnent sur le carrelage des toilettes et la porte de sa cabine, qu'elle n'avait pas verrouillée, s'ouvre. Ambre ne relève pas la tête à son arrivée, il se laisse tomber face à elle. L'espace est si étroit que leurs genoux se touchent.

Sans un mot, Pierre pose sa main sur son bras. Il essuie la traînée de sang sur sa peau, laissée par ses dents, avec du papier rugueux. Il ne laisse qu'une marque rougeâtre ayant la forme de sa mâchoire, il peut distinguer l'alignement des dents qui s'étaient enfoncées dans cette chair métissée.

Il tend doucement son bras pour caresser sa joue d'une main hésitante, craignant de faire un faux-pas par ce contact, mais la métisse relève la tête vers ses yeux azurs. Pierre essuie simplement ses larmes d'un geste du pouce, les lèvres pincées.

- Tu devrais être avec Charles, souffle-t-elle à mi-voix.

- Il savait en m'appelant que je ne viendrais pas pour lui, et on le sait tous les deux aussi.

Elle ne peut se détacher de ce regard bleuté lui transmettant beaucoup de sérénité, et peut-être qu'elle se retient de l'embrasser sous le poids de ces paroles. Ses sanglots s'apaisent et elle l'écoute en étant absorbée par le mouvement de ses lèvres rosées quand il explique doucement :

- Il respire seulement artificiellement, c'est un coma dépassé.

Ambre continue de fixer le pilote, les mots sortent de sa bouche, dénudés de sens. Elle les comprends à peine.

- Il est en état de mort cérébral Ambre.

Et Ambre réagit enfin, ses doigts s'agrippent fermement à ceux du pilote. Elle les presse si fortement en ne le lâchant pas des yeux alors que ces derniers pleurent la perte d'un être cher. Le cœur a compris, il se serre si fort dans sa poitrine que la jeune métisse lâche un nouveau sanglot.

Les bras de Pierre se reserre autour de son corps, ses lèvres s'écrasent sur son front tandis que les larmes viennent s'échouer sur son pull en mailles. Il n'essaye plus de les essuyer, cela ne sert à rien. Elle s'agrippe fermement à son pull tandis que Pierre souffle en caressant ses cheveux :

- Ils vont le débrancher, il faut que tu ailles le voir une dernière fois avant.

- Comment est-ce que je fais pour dire adieu ?

Sa voix n'est qu'un murmure et elle se blottit un peu plus contre Pierre. Elle se moque bien d'être assise sur le carrelage blanchâtre des toilettes, ça n'a aucune importance face à la douleur poignardant son cœur.

- Tu le laisses simplement partir, murmure Pierre d'une voix étranglée.

- Je ne pourrais jamais m'excuser, je ne pourrais jamais le remercier.

Sa voix déraille face aux souvenirs de son regard brisé quand elle est partie précipitamment sans jamais s'expliquer, simplement en murmurant qu'elle souhaitait s'éloigner d'eux, qu'elle en avait besoin.

- Tu n'as pas besoin de t'excuser, murmure-t-il. Tout est pardonné.

Et elle renifle péniblement en l'observant derrière ses yeux embués de larmes. Sa vision est trouble, elle est floue et Ambre ne saurait dire si le rouennais parle au nom de son père ou au nom de lui-même.

 Sa vision est trouble, elle est floue et Ambre ne saurait dire si le rouennais parle au nom de son père ou au nom de lui-même

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DÉPENDANCE » Pierre Gasly ✓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant