JANSSEN

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Henri était penché sur des documents étalés sur la table lorsque la porte de la chambre s'ouvrit. Il posa la clope roulée qu'il tenait entre ses doigts et il se tourna vers Clara qui rentrait enfin. L'homme s'avança vers elle et il vint caresser sa joue, relevant ensuite son visage de son index. Elle savait quelque chose. Clara était un livre ouvert... Elle ne savait pas cacher ses émotions. Pas aussi bien qu'elle l'espérait. Il se demandait ce qu'elle avait trouvé, s'était absentée un bon moment. Elle portait un air coupable sur son visage et Janssen n'aimait pas ça du tout. Il ne posa pas de question pour le moment, l'emmenant vers la table. Henri n'avait pas chômer lorsqu'elle était partie. Il avait redemandé les dossiers des deux meurtres avec photos, preuves détaillées, rapports... Il s'était ensuite rendu à l'accueil pour demander à utiliser l'imprimante. L'homme avait accepté sans sourciller et il avait pu tout réexaminer dans le moindre détail.

-Tu avais raison, souffla-t-il.
-Comment ça ?
-Elle a dit la vérité dans sa lettre.
-Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
-Pour le garçon, on savait déjà que quelque chose clochait. Il a tenté de la violer, c'est un fait. Drogue dans le verre, la position du cadavre avec le pantalon ouvert, les traces de luttes, l'arme de fortune. Ok. Tentative de viol et légitime défense... Mais je me suis dis que le premier meurtre, elle mentait... 
-Mais ?
-Mais... Le chargeur de l'arme était plein. Il ne manquait qu'une balle... Celle qui a tué la femme de la psy.
-Megan...
-Megan, oui... Et les photos de la scène de crime prouvent que quelqu'un faisait la vaisselle. Il y a eu des traces de luttes, exactement là où elle a été retrouvée... Mais surtout, il y avait de la poudre sur les mains de la victime. Il y a les empruntes des deux sur l'arme mais il y en avait aussi sur la sécurité.
-Et ?
-Et ce sont celles de la victime.
-Elle ne mentait pas ! Elle a vraiment essayé de se défendre et le coup est parti. Ca aurait pu être elle sur le sol...
-Pourquoi j'ai l'impression que ça te fait plaisir, mh ?
-Je... Henri...
-T'es partie où, mh ? T'as mis du temps.
-A la compagnie de taxi.
-Pourquoi y aller alors qu'on pouvait demander les infos au téléphone ?
-Parce que... Je...
-Clara... On perd du temps en faisant comme ça.
-Je... Je sais.
-Me dis pas que tu fais exprès...
-Je peux pas. 
-Clara ! 
-Je sais ! Tu... Tu peux m'en vouloir mais j'ai l'impression qu'on fait fausse route.
-Comment ça ? On est sûrs que c'est elle !
-Mais c'est elle la victime dans tout ça !
-Tu perds la tête... C'est pas possible autrement...
-Henri...
-Ne te compare pas à elle ! Tu n'as rien à voir avec elle !
-Si ! J'ai juste eu de la chance Henri !
-Tu racontes n'importe quoi. T'es flic, pas une tueuse !
-J'étais amer aussi ! J'en voulais au monde entier ! Je détestais chaque personne heureuse qui croisait ma route ! Heureusement qu'on m'a sortie de là, qu'on m'a montré la voie mais sans lui, je serais peut-être une camée prête à tuer pour sa dose ou je serais morte dans le coin d'un squat !
-Clara... Tu n'es pas elle...
-Parce qu'on m'a aidée ! Tu crois pas que si son but était de tuer des gens, on retrouverait des cadavres de partout ? Et puis, tu viens de le dire ! Elle ne mentait pas dans sa lettre. On l'a détestée toute sa vie et la seule fois où elle trouve quelqu'un qui l'aime, qui la traite bien, on essaie de lui ôter la vie ! Elle est pas dangereuse Henri... Elle est perdue.
-On l'a perdue... A cause de toi, grogna l'homme avant de se diriger vers la porte, ayant besoin de prendre l'air.
-Henri...
-Laisse-moi tranquille, souffla-t-il, claquant la porte.

Il descendit les marches, faisant ensuite les cent pas dans le parking. Il s'arrêta face à la machine à boisson et il prit un soda. Il ouvrit la canette avant de boire. Il la posa ensuite sur le toit de la voiture pour se rouler une clope. Il l'alluma et s'adossa contre la portière arrière, reprenant sa boisson. Il souffla sa fumée, levant la tête vers le ciel, observant le bleu de ce dernier. 

-Qu'est-ce que tu dirais si tu étais là ? soupira l'homme, le menton toujours levé.

Il ne la reconnaissait plus. Clara avait toujours oeuvré pour le bien et pourtant, elle faisait gagner du temps à une criminelle... Une meurtrière... Pourquoi ? Il savait au fond. Il savait pourquoi elle faisait ça. Elle pensait sincèrement qu'elle aurait pu se retrouver à la place de cette fille mais ce n'était pas le cas. Son père l'avait sortie de là et lui avait donné envie de devenir flic, tout comme il lui avait donné envie à lui. Il se souvenait de la première fois qu'il lui avait présenté Clara. Elle sortait de l'académie... Elle était souriante, heureuse d'entrer dans les forces de l'ordre mais il se souvenait de son regard. Elle cachait de profondes cicatrices derrière ce sourire. Son père lui avait dit d'y aller doucement avec elle, de prendre soin d'elle si il venait à ne plus être... C'était arrivé malheureusement... Tué en service. Une fusillade. Il s'était donc juré de toujours garder un oeil sur elle même si il savait qu'elle n'en avait pas besoin... Clara était une femme forte. Pourtant, il avait l'impression qu'elle perdait pied sur cette affaire. 

"Est-ce que son instinct t'a déjà trahi ?" entendit-il dans sa tête, la voix de son paternel résonnant.

Non... Jamais. Elle avait toujours vu juste. Elle était une policière excellente. Elle faisait toujours tout pour que justice soit faite. Ils avaient travaillés plusieurs fois ensemble et elle avait toujours bien fait. Elle avait déjà réussi à faire rendre les armes sans violence. Les criminels méritaient d'être entendu pour elle... C'était peut-être bien pour ça qu'il était tombé amoureux d'elle. Son humanité... Pour Clara, tout le monde pouvait virer du mauvais côté... Parfois pour les mauvaises raisons, parfois pour les bonnes, si il était possible d'appeler ça comme ça. Henri était plutôt du genre direct. Soit les gens étaient gentils, soit ils étaient méchants mais au fond, Clara avait raison... C'était bien plus nuancé que ça. Ils avaient déjà eu affaire à des gens biens sous tous les angles et qui pourtant vrillaient. Comme ce père qui avait enlevé son fils parce que sa femme faisait tout pour lui enlever la garde jusqu'à l'accuser, à tort, d'attouchement... Désespéré, l'homme l'avait kidnappé et le gardait chez lui, un flingue à la main pour empêcher la police d'agir. Il avait menacé de tuer son fils alors qu'il voulait seulement être avec lui... Henri sentait les larmes monter avant d'inspirer, secouant la tête. Il ne voulait même pas imaginer si son père ne s'était pas occupée d'elle... Il n'aurait jamais eu la chance de l'avoir dans sa vie et elle serait peut-être morte dans un squat minable comme elle l'avait dit. Henri tira une dernière bouffée de sa cigarette avant de lâcher son mégot dans le fond de sa canette, entendant celle-ci s'éteindre instantanément.

-Qu'est-ce que je dois faire papa ? Mh ? Dis-moi ce que je dois faire, souffla-t-il, fixant le trou de sa canette avant de relever les yeux, voyant passer un camion sur lequel était inscrit "Suis ton instinct... Choisis la meilleure bière !" 

Henri fronça les sourcils. Autant, choisir la meilleure bière n'était pas dans ses priorités mais suivre son instinct... C'était une coincidence folle de lire ça juste après avoir demandé à son père quoi faire. Surtout que c'était quelque chose qu'il répétait souvent. Son père lui disait toujours de suivre son instinct mais il ne savait pas ce qu'il lui soufflait. Qu'est-ce que ses tripes essayaient de lui dire ? Celles de Clara, c'était d'arrêter... De laisser cette fille partir avec sa complice... Mais il ne pouvait pas faire ça. Ils devaient continuer. Justice devait être rendue, même si elle n'avait fait que se défendre. Voilà ce que son instinct lui disait : continuer.

La cavale des sentiments (TOME 2) [TERMINE - A CORRIGER]Where stories live. Discover now