365 jours avec toi

6| Premiers mots.

Cette nuit j'ai essayé de relativiser. Je me suis dis que, peu importe la manière dont je passerai mon année, le principal était que je vive, n'est-ce pas?

Bien sûr que j'aurais préféré vivre encore quelques dizaines d'années, mais quitte à n'avoir le droit qu'à un an, et bien il vaut mieux le vivre pleinement. C'est pourquoi j'ai décidé de m'affirmer, de dire haut et fort ce que je pense, et de pour une fois me rebeller! Pour également montrer que je ne suis pas coincée, comme certains l'affirment.

De toute façon, qu'est-ce que je risque? De me faire tuer? C'est déjà ce qui m'arrive. Et mon assassin est un mec nommé Cancer.

Je descends du bus et marche en direction de l'entrée du lycée. Je dois jouer des coudes à travers une foule de fumeurs et me faire le plus petite possible pour passer (ce qui n'est pas franchement difficile vu ma carrure...) et arriver à la porte. En réalité je n'ai pas encore élaboré de vrai plan quant à ma rébellion, c'est pourquoi pour le moment je me contente de... rentrer la tête dans mon corps et me faire discrète.

Hey! Ne me jugez pas. J'ai dis que je ne me laisserai plus faire, pas que j'allais provoquer une bagarre! Alors je préfère me faire aussi transparente que du cristal...

Les couloirs sont déserts car je suis en avance d'un bon quart d'heure à cause de mon car qui arrive plus tôt que les autres, du coup j'en profite et m'empare rapidement de mes affaires de biologie avant de rejoindre la salle de classe.

Je suis la première à y pénétrer en saluant poliment mon professeur, puis en regagnant ma place au premier rang. Croyez-moi, si j'avais eu le choix je serais placée tout au fond dans un coin, mais le plan de classe en a décidé autrement.

Le prof s'approche lentement de moi et se baisse pour être à ma hauteur, vu que je suis déjà assise et prête à débuter le cours. Il doit être dans la quarantaine, et ressemble à un vieux Tangui, long et fin, et Geek à ses heures perdues. Un vieux garçon, quoi.

"Est-ce que ça va?"

Tiens donc. Il veut savoir comment je vais...

Et bien j'ai un cancer et il ne me reste que quelques mois à vivre. Un an tout au plus. Et vous, pas trop dur la calvitie?

"Bien, merci."

Ah... ma raison aura toujours raison de moi.

Il hoche brièvement la tête et se redresse au moment où la sonnerie annonçant que le début d'une autre terrible journée commence retentit.

Plusieurs élèves entrent en classe, certains discutant et d'autre écoutant de la musique, tandis que je les regarde en les enviant presque de mener une vie si banale.

Brittany-la-chieuse entre en cours, accompagnée de ses sbires en gloussant comme une dinde, tout en regardant autour d'elle pour vérifier que tout le monde l'a aperçue.
Qu'elle est pathétique.

"Entrez, entrez, les jeunes!" S'exclame notre professeur faussement enthousiaste.

Je soupire et pêche un crayon dans ma trousse en le faisant nerveusement tourner dans mes doigts. Tout le monde est installé, le prof ferme la porte et se met à faire l'appel.

Tout le monde est là sauf...

Conrad fait une entrée tonitruante en faisant claquer violemment la porte contre le mur, visiblement trop nonchalant pour s'en préoccuper. Il affiche un air faussement désolé qui fait pouffer de rire toute la classe. Même mes lèvres se rebellent contre ma volonté en laissant afficher un minuscule sourire.
Pour ma défense, il est plutôt drôle dans le genre je-m'en-foutiste.