20| Sans lui

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Jamais le temps ne m'a paru si long et triste. Je me sens seule, morose, et plus vulnérable que jamais.

Lorsque je vois mon reflet dans le miroir en me réveillant ce matin, j'ai un choc. Mes cernes noires ne font que souligner mes yeux rougis et gonflés par les larmes amères que j'ai versées cette nuit. Je n'ai pas dormi une seule seconde, trop brisée et coupable pour trouver le sommeil. J'ai même dû faire semblant de dormir lorsque ma mère est venue me voir, sans aucun doute inquiète pour moi, tandis qu'elle s'est assise à mes côtés en caressant mes cheveux. Et je suis prête à parier qu'elle pleurait.

Comment ai-je pu faire ça ? Comment ai-je pu me laisser aller de cette manière ? J'étais pourtant consciente que ce lâcher-prise laisserait des blessés sur son sillage, mais je me suis perdue. Perdue dans ses yeux si bleus et dangereux.

"Pourquoi refuses-tu de me dire ce qu'il s'est passé ? Je sais que c'est de sa faute, mais dis moi au moins ce qu'il t'a fait..."

"Je ne veux pas en parler, maman. Et ce n'est pas de sa faute mais de la mienne. C'est moi le problème." Je murmure en fixant un point derrière ma fenêtre tandis que ma mère me conduit au car.

Elle soupire, "Je pourrais aller lui parler, peut-être que..."

"Non. De toute façon j'ai tout gâché. C'est foutu."

Monter dans le car ne m'a jamais paru si difficile qu'en ce moment. Pas seulement sur le plan physique, mais pour mon cœur, car je sais que Conrad ne s'assiéra plus jamais à mes côtés. Lorsque Jack m'a vue monter il a su que quelque chose n'allait pas, mais j'ai réussi à prétendre que j'étais seulement fatiguée. On dirait que mentir se fait de plus en plus aisément...

La musique qui emplit mes oreilles m'aide à me détendre et à oublier. Oublier tous les maux qui me tuent chaque jour de plus en plus, tous les regrets qui me rongent de l'intérieur, et la joie de vivre qui s'amenuise de jour en jour dans mon cœur. Le paysage habituellement vert n'est rien de plus qu'une plaine sans vie, et mes yeux ne voient désormais plus que du noir et du blanc. Alors pourquoi est-ce que je continue de penser à lui si ça me brise ? Je repense continuellement à ses yeux scrutateurs qui me fixaient sans vergogne tandis que je détournais les miens, trop apeurée de tomber amoureuse de lui.

L'ironie du sort fait que j'ai beau avoir essayé de ne pas les regarder afin de ne pas en tomber amoureuse, aujourd'hui je ne cesse de mes les imaginer en sachant que le mal est fait : je suis bel et bien amoureuse de lui.

La question est : comment ai-je pu tomber sous le charme de ce personnage ? Est-ce à cause de son physique qui ne laisse personne indifférent ? Ou bien est-ce son humour qui m'a abattue ? Non, je crois qu'il s'agit surtout du fait que, contrairement aux autres, il me considérait comme une fille normale. Pas seulement comme La Coincée, mais comme Mia Thomas, la fille timide et réservée, mais qu'il devait apprécier malgré cela.

De qui suis-je en train de me moquer ?
Conrad ne m'appréciait pas, cela faisait juste partie de son jeu, même si je n'ai aucune idée duquel il s'agit. Il aime se sentir supérieur et c'est cela qu'il devait ressentir lorsqu'il était avec moi.

Et dire que j'étais censée passer ma dernière année à profiter de la vie et à travailler pour avoir mon diplôme... Je me demande bien comment je suis censée l'obtenir avec mon esprit qui ne cesse de divaguer loin de moi, loin de tout. Vers lui.

Mon cœur rate plusieurs battement lorsque le car fait halte à son arrêt. Une boule prend de l'ampleur dans mon estomac et je jurerais qu'une migraine vient de survenir. Pourtant après plusieurs longues minutes, Conrad n'est toujours pas là.

Jack, après un regard contrit pour moi dans son rétroviseur, quitte les lieux et reprend la route.

Mais que suis-je bête... Il a sa voiture maintenant. Il n'a alors aucune raison de prendre le car.

365 jours avec toiWhere stories live. Discover now