13|Désillusion

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Je laisse tomber mon cahier sur mes cuisses, décidément pas assez concentrée pour en venir à bout de cet exercice de mathématiques. Quelqu'un pourrait me rappeler pourquoi je me fais subir ce genre de choses?

Je mordille mon crayon en ressassant les événements de plus tôt aujourd'hui, la réaction de Conrad étant de loin ce qui me préoccupe le plus. Même après des heures d'intense réflexion, je ne parviens pas à comprendre pourquoi il ne réagissait pas lorsque Brad me malmenait. Pourtant j'aurai juré que je ne rêvais pas quand il me demandait qu'on soit amis. Alors pourquoi diable ferait-il une chose pareille? Il ne se moque tout de même pas de moi en prétendant vouloir l'être..? Suis-je si naïve que ça?

Probablement.

Je souffle pour la énième fois ces dernières heures, trop ailleurs pour faire mes devoirs. Me résignant, je les fourre rageusement dans mon sac et me lève pour changer d'air, j'ai besoin de sortir, peut être qu'ainsi je pourrai mettre de l'ordre dans mes pensées.

Maman n'est pas à la maison quand je m'apprête à sortir, alors je lui envoie un sms pour qu'elle ne s'inquiète pas de mon absence.
Une fois mes bottes enfilées, je vais d'un pas précipité dans l'écurie pour préparer Pablo pour une promenade, ma thérapie. Et Dieu sait qu'en ce moment j'en ai cruellement besoin.

*

Le coucher du soleil à l'horizon provoque en moi une vague de bien-être, les nuances de rose et d'orange se mêlant au rideau plus sombre de la nuit. L'air se refroidi peu à peu et je me vois contrainte à remonter sur Pablo pour rentrer à la maison, quittant ma place confortable au pied de mon arbre, sur un lit de fleurs sauvages.

Après un rapide coup d'œil sur mon portable je me résigne en le rangeant dans ma poche, car inutile d'insister, je ne parviendrai pas à capter le réseau.
Je rassemble le peu de force que j'ai puis monte avec toute la souplesse sont je suis capable sur le dos de mon fidèle ami, c'est-à-dire aucune. Le chaud de son corps me réchauffe aussitôt, ayant privilégié de le monter à cru. J'adore sentir son corps sous le mien, j'ai le sentiment d'être en fusion avec lui, comme si nous étions combinés.

C'est au galop que je prends le chemin inverse rendant à la maison, la nuit semblant faire la course avec nous afin de voir qui arrivera à destination en premier. Cette petite course contre le ciel me permet de me vider la tête de mes pensées sombres et déprimantes. Comment rester de marbre face à une situation comme la mienne? Trop de choses compliquées se passent simultanément, et je ne sais plus où donner de la tête. Mon cancer, mon sursis, les cours, Brad, Brittany... et surtout Conrad.

Je secoue la tête afin de me pousser à me débarrasser de ces pensées, je refuse de les laisser gérer ma vie en me la rendant encore plus complexe. Pourtant je ne parviens pas à faire abstraction de mes sentiments envers Conrad, que je ne peux visiblement plus nier. Je ne dirais cependant pas que je l'apprécie, je dirais plutôt que j'éprouve des sentiments puissants envers lui, mais ignore encore s'il sont positifs ou négatifs.

*

Quand je rentre enfin à la maison après m'être occupée de Pablo, je salue maman qui s'affaire dans la cuisine, puis cours prendre une douche. L'eau brûlante semble me revigorer, et le petit massage crânien que je m'offre, m'apaiser. Le temps ne semble pas panser mes maux, pourtant j'arrive à lutter contre mes démons. Entre autre la dépression.

Car à l'instar de plusieurs personnes dans mon cas, je suis déjà plongée dans une profonde dépression il y'a environ deux ans de ça. J'étais restée cloîtrée dans ma chambre pendant des mois, refusant catégoriquement d'en sortir et de voir qui que ce soit. Ni ma mère, et encore moins moi-même.

J'étais entrée dans une phase d'auto-destruction, détestant tout ce qui m'entourait, y compris mon propre reflet dans le miroir. Tout était de ma faute, je croyais que même si le monde cessait de tourner, ça serait de ma faute, car j'étais responsable du malheur de ma mère. Et c'était ça qui me tuait.

365 jours avec toiWhere stories live. Discover now