9|Lutter.

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Je finis tout de même par tourner le regard vers lui tandis qu'il me contemple avec un sourire satisfait, sûrement de mon abandon de lutte. Je soupire et réponds:

"Non, je ne t'ignore pas."

"Ah, j'ai cru que tu ne parlerais plus jamais!"

"Bah on peut pas dire que tu m'aies laissée le choix..."

"Écoute, je suis désolé si j'ai merdé, mais je veux seulement qu'on devienne amis."

Amis? Mon cul. Personne ne veut être ami avec moi. Avec la Coincée...

"Ne dis pas de connerie, je ne suis pas aussi bête que j'en ai l'air..." je réponds à nouveau sèchement.

Je suis déçue de voir qu'il me croit crédule et dénuée de conscience. Je sais très bien ce qu'il a derrière la tête: me faire gagner sa confiance pour ensuite m'humilier devant tout le reste du lycée. Et je n'en ai pas vraiment envie.

"Pourquoi tu dis ça?" Il a vraiment l'air curieux et intéressé par ma réponse.

"Parce que. Regarde-moi enfin! Je suis la nullité incarnée. Je ne suis pas intéressante; je ne suis ni pom-pom girl, et encore moins une fille populaire. Nous sommes mathématiquement amicalement incompatibles."

Il reste muet après ma réplique plus que réaliste. Tout ce que je viens de dire est vrai, y compris et par-dessus tout la partie où je dis que nous sommes incompatibles. Et puis je ne comprends même pas quel serait son intérêt de traîner avec une personne comme moi; nous ne nourrissons certainement pas les mêmes passions ni les mêmes goûts en tous les domaines. À moins qu'il ne soit lui aussi passionné par les chevaux, ce qui me semble grandement improbable vu le personnage qu'il incarne.

Ma mère me dirait que l'habit ne fait pas le moine, certes, mais pour être honnête, Conrad n'a rien d'un moine, je dirais même qu'il se penche plus vers le mec qui a fait de la taule. Bref, en gros nous sommes chacun aux antipodes de l'autre.

"Comment pourrais-tu le savoir? Laisse-moi au moins une chance de te montrer que l'on peut être amis."

Il parle d'un ton convaincant, arborant toujours le même air confiant et à la fois indifférent. C'est horripilant. Ce garçon est vraiment un mystère à lui tout seul, doublé de l'incarnation du paradoxe. En effet, il change de camp en une matinée, puis passe de joueur, taquin à en colère, puis à indifférent et ensuite inquiet. Je ne sais plus où donner de la tête. Il ne pourrait pas me rendre plus chamboulée en ce moment.

"À quoi bon? Il ne reste plus beaucoup de temps avant..." Je commence à murmurer pour moi-même.

"Avant quoi?"

"... La fin de l'année." Je réussis à rattraper le coup pour ne pas dire une bêtise.

Bien sûr, il est hors de question qu'il sache pour moi et mon compte à rebours. Et puis c'est vrai quoi! À quoi bon devenir amis pour finalement nous faire souffrir tous les deux lorsque la fin arrivera? Je ne veux pas causer plus de dégâts que ce que je vais déjà faire.

À présent je comprends parfaitement Hazel lorsqu'elle se comparait à une grenade. Nous sommes des grenades; nous sommes enclenchées à partir du moment où l'on sait que notre vie ne tient qu'à un fil fragile, et que pour éviter que le plus de personnes soient touchées, c'est de les repousser.

Et j'ai beau ne pas vraiment apprécier ni même connaître ce Conrad, je ne veux pas le faire souffrir lorsque moi aussi j'exploserai.

"Nous ne pouvons pas être amis, Conrad. Je suis désolée."

365 jours avec toiWhere stories live. Discover now