L'odyssée de la fille de la forêt

Epilogue

Tauriel ne put s'empêcher de sourire en regardant la scène qui se déroulait sous ses yeux. Gimli et Legolas remplissaient ensemble le bateau qui les conduirait tous les trois à Valinor. Et ce n'était pas là sa plus grande surprise. En effet, l'elfe et le nain avaient déjà travaillé main dans la main pour la construction de l'embarcation, pendant de longues années. Le chantier avait démarré dès que les Valars avaient annoncé leur souhait de permettre à leur ami de pouvoir rejoindre les Terres Immortelles elfes, à l'allégresse générale.

Si le nain avait conservé sa joie de vivre naturelle, et l'étincelle de malice au fond de ses yeux, la vieillesse marquait désormais durement ses traits. L'elfe rousse observa à la dérobée sa longue barbe grise, attachée en une myriade de petites tresses, qu'elle avait elle-même réalisée le matin. Son visage aussi était plus âgé : plusieurs rides cernaient les contours de sa bouche, de ses paupières, de son front...Ses mains également avaient été frappées par le temps. Leurs jours pour rejoindre Valinor étaient comptés, elle le savait.

A l'inverse, le prince elfique était toujours le même qu'un siècle auparavant. Elle détailla son corps qu'elle connaissait désormais par cœur, assise sur un muret en pierre des Havres Gris. Sa chevelure blonde et lisse brillait sous les rayons du soleil, ses yeux étaient vifs, et ses traits restaient jeunes. Sa silhouette était fine, élancée comme au premier jour. Et elle serait éternellement la même.

Elle jeta un regard aux alentours, songeuse. Les lieux étaient pratiquement déserts. Tous les elfes qui souhaitaient quitter la Terre du Milieu et rejoindre la terre de leurs ancêtres l'avaient tous déjà fait, à l'exception des trois amis. Thranduil lui-même avait fait le voyage, quelques décennies auparavant, ainsi que Sam, qui, à la mort de sa femme, avait choisi de rejoindre Frodon à Valinor, privilège accordé en tant qu'ancien porteur de l'anneau. Mais, Tauriel, Legolas et Gimli avaient eu des raisons de rester.

A la fin de la guerre de l'anneau, Aragorn était monté sur le trône du Gondor, aux côtés d'Arwen. Soutenus par les deux elfes, ils avaient ensemble créé une colonie elfe en Ithilien, non loin de Minas Tirith. L'Ithilien avait longtemps été sous le contrôle de Faramir, nommé intendant par le roi, époux d'Eowyn. Au même moment, Gimli avait lui aussi fondé un nouveau royaume nain dans les Cavernes Etincelantes. Toutes les régions environnantes du Gondor furent pacifiés par Elessar, et ajoutées à la contrée. La Terre du Milieu était désormais paix.

Ils avaient vécu tous ensemble de longues années paisibles, sans nuages noirs à l'horizon. Arwen avait donné naissance à un fils et à deux filles, qui lui ressemblaient trait pour trait. Eowyn et Faramir avaient eux aussi accueilli plusieurs enfants, tout comme Sam et sa femme. Les familles s'étaient presque toutes agrandies, sauf pour Pippin et Merry, les deux inséparables cousins, et Gimli, qui ne voyaient toujours pas l'intérêt de se marier.

Durant de longues décennies, Tauriel avait parcouru la Terre du Milieu, aux côtés de Legolas et du nain, de la Comté jusqu'au Gondor, en passant par l'Erebor et Mirkwood. Ils avaient rendu visite à leurs amis de nombreuses fois, les soutenant dans les moments les plus difficiles. L'elfe rousse se souvenait encore du chagrin des trois hobbits après le départ de Frodon, la lueur de terreur qui brillait dans les yeux d'Eowyn lors de son premier accouchement, et l'émerveillement de Gimli quand ils étaient retournés en Lorien. Ils avaient vu leurs amis s'épanouir, évoluer, devenir plus sage. Ils avaient vu des rides apparaître le long de leur visage.

Car les hommes ne sont pas immortels. Elle ne le savait que trop bien. Faramir avait été le premier à les quitter, un soir d'orage, au beau milieu de l'hiver, d'une longue et terrible maladie. Eowyn, accablée de chagrin, ne lui avait pas survécu, et l'avait rapidement suivi dans la tombe. Un instant, Tauriel revu son sourire éternel et ses longs cheveux blancs le jour de ses funérailles, alors qu'elle chantait en son honneur. Puis était venu le tour d'Eomer. Le fier guerrier avait été enterré aux côtés de sa sœur et de son beau-frère, un beau matin de printemps. Sa femme l'avait rejoint quelques temps plus tard. Tout le monde avait été gravement touché par ces pertes.