Split : Seconde Partie

Chapitre 129 : Fille modèle

Cammy découvrit que Kerry parlait mal d'elle dans son dos. Cela lui rappela qu'elle ne connaissait pas beaucoup l'humaine. D'abord hésitante, celle-ci décida de raconter un passé dont elle avait très honte.

***

Kerry était née dans une famille aisée. Elle avait des parents aimants. Elle était une fille modèle. Elle vivait dans un foyer heureux.

Du moins, tout ça, c'était en apparence.

Kerry devait suivre un code de conduite extrêmement strict. La jeune fille, ne pouvant fréquenter que les personnes que ses parents jugeaient utiles, était obligée d'avoir un comportement irréprochable, voire parfait.

Elle devait être la meilleure dans toute chose qu'elle entreprenait. À onze ans, son palmarès était impressionnant : première de classe depuis toujours, imbattable en sport, utilisatrice du Drive, génie du piano.

Selon sa famille, il existait cinq types de puissances : l'argent, la force physique et mentale, l'intelligence et le savoir. Celui qui les possédait toutes se tiendrait au sommet du monde.

Dénuée de personnalité et manipulée tel un pantin, la jeune fille faisait tout ce qu'on attendait d'elle.

À l'école, — l'un des rares endroits où elle avait le droit d'aller—, il y avait toujours une distance entre elle et les autres. Ils la trouvaient intimidante, parfois même hautaine.

Toutefois, Kerry n'était ni triste, ni heureuse. Elle avait toujours vécu ainsi, alors, c'était devenu la norme pour elle. Jusqu'au jour où un garçon vint chambouler son quotidien monotone.

Quand elle était en terminale, un nouveau fit son apparition dans sa classe : Al Nether.

Il était originaire d'un quartier misérable et vivait dans une famille assez pauvre. Les autres élèves s'amusaient à le harceler. Ou plutôt, ils essayaient. Al savait très bien se défendre et ceux qui le cherchaient finissaient par le regretter.

Kerry l'observait tout le temps discrètement. Elle ne savait pas pourquoi elle s'intéressait autant à lui, alors qu'elle était d'habitude indifférente à son entourage.

Un soir, à la fin des cours, Kerry rangeait ses affaires, quand son stylo tomba sur le sol. Elle se mit à le chercher, en vain.

Soudain, Al lui tendit l'objet, rayonnant.

« Fais gaffe. Une fois que ces trucs tombent, ils font pousser des petites pattes pour s'enfuir et retourner au pays des stylos. C'est pour ça qu'on ne les retrouve jamais. »

C'était l'une des blagues les plus nulles que Kerry n'avait jamais entendues, mais elle et Al rirent à gorge déployée.

Les autres la dévisagèrent, estomaqués. Voir Kerry, ne serait-ce que sourire, était une chose assez rare pour être qualifiée d'évènement.

Fier que son humour fusse apprécié pour une fois, Al prit congé d'elle.

C'était un sentiment étrange. La jeune fille était de bonne humeur durant toute la soirée.

Le lendemain, Kerry et Al se retrouvèrent à la cantine.

« Bonjour, comment vas-tu ? commença-t-elle très poliment.

— Euh, pas la peine d'être aussi formelle. On n'est pas à une réunion diplomatique, tu sais... » répondit-il avec un rictus narquois.

Ils discutèrent de tout et de rien. Le garçon ne cessait de sortir des blagues toutes plus nulles les unes que les autres et elle riait aux éclats. C'était la première fois qu'une personne la mettait autant à l'aise.