Chapitre 7

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Qu'y a-t-il après la mort ?

"Souviens-toi, la même chose qu'avant la vie !", avais-je l'habitude de répondre à cette question hautement métaphysique qui titille l'humanité depuis les prémices de son existence. Pourtant, je suis bel et bien conscient. Je pense, mais je ne suis plus ? Dans ton cul la balayette, maudit Descartes ; tu peux te ranger ton Cogito.

Je devrais être en panique, mais une intrigante sensation de satisfaction m'envahit des pieds à la tête.

Dans de nombreuses mythologies et légendes urbaines, on évoque une sempiternelle lumière blanche, qui nous attirerait inexorablement vers un monde meilleur. Bouffonneries que tout cela. Je suis juste... présent ici, captif de mes pensées, un fond noir et un silence absolu pour toute atmosphère. Grosse ambiance, enjaillement, c'est la fête. L'horizon qui me terrifie n'est plus d'être mort, mais d'avoir à subsister éternellement.

Car le bonheur n'existe pas sans le contraste de la souffrance. C'est certainement pour cela que ma courte relation avec Cunégonde fut si excitante. De la même façon, la vie tire son intérêt de ce qu'elle finit un jour. Ainsi, on peut en jouir chaque instant, en se disant que demain pourrait être le dernier. Ainsi, on se console quand tout va mal, car, en définitive, la partie aura un Game Over, quoi qu'il advienne.

Et si j'avais à endurer ma propre voix à perpétuité, interné de force dans mon propre corps, ou plutôt dans ma propre "essence" ? Non, Monsieur Sartre ; l'Enfer, ce n'est pas les autres, c'est de se retrouver seul avec soi-même trop longtemps.

J'imagine que les débats entre moi et moi seront passionnants, au début, entre contradicteurs brillants et raisonnables. Mais je perdrai rapidement en loquacité et en intérêt, comme un vieux couple dont la passion s'érode au fil d'années de routine. Même les palpitants jeux de société mentaux à un seul participant, que ma fertile créativité ne saurait s'empêcher d'engendrer, finiront bien par s'essouffler.

Brusquement, j'éprouve une haine farouche envers toutes ces familles aimantes qui, pour conserver un maigre confort moral, refusent à leurs proches le droit de s'en aller quand ils sont condamnés à subir une pareille torture pour le reste de leur vie. Si l'on peut appeler ça ainsi, une "vie", lorsqu'on n'est plus qu'un bout de viande amorphe.

Le pire, c'est que cette perspective difficilement réjouissante, appliquée à mon cas, est à la limite de me laisser indifférent. Blasé jusque dans la mort ?

Ou alors, c'est que je suis toujours vivant. Et la morphine explique ce sentiment inadéquat de plénitude.

Ouais, je suis complètement stone... Trop cool !

J'ouvre les yeux, pour apercevoir mes amis qui m'observent avec des yeux de merlan frit.

Tous semblent lessivés. Même Monica, d'ordinaire si pimpante, a de grosses valises sous les yeux et le teint pâle. La veille a dû être longue.

- Quel jour, QUELLE ANNÉE ?, hurlé-je en plaisantant seulement à moitié.

- Doucement, Marty McFly, c'était juste hier, glousse-t-elle.

- Vu vos tronches de déterrés, j'aurais pensé que ça faisait plus longtemps. Dommage, ce sera moins impressionnant dans ma future autobiographie qui se vendra à dix millions d'exemplaires.

- Ah, non, c'est juste qu'on a organisé une grosse teuf après avoir appris ta probable mort. On a tous la gueule de bois, là. Mais, comme d'habitude, tu t'es montré décevant.

Elle dépose un tendre baiser sur mon front moite.

Ils sont tous là. Gontran et sa tronche de hippie, Gérald l'ahuri, Julianne et son éternel paquet de chips à la main.

[Roman] Comment monter sa propre secte dans son jardin ?Where stories live. Discover now