Chapitre 15

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- Elles ont le swag vos portes !, confié-je au beau gosse élégamment vêtu qui vient de nous ouvrir.

- C'est de l'âcajou mâssif du dix-neuvième siêcle, Mâdâme, répond-il avec un accent bourgeois.

- Ah oui, l'acajou, c'est mon bois préféré, avec le PVC, continué-je en mimant la connaisseuse.

Il fait une tête de mec pas convaincu. J'ai bien l'impression que dans ce restaurant, même le personnel est dédaigneux de la vulgaire populace, qui ne doit pas souvent y mettre les pieds. Quoi qu'il en soit, je lui tâterais bien ses acabijoux de famille, au snobinard.

Un serveur vient nous cueillir à l'entrée et nous guide à la table que nous avons réservée.

La clientèle est pour le moins très huppée. Que des robes de soirée de grands créateurs - pour ce que j'en connais - et des costumes sur mesure. Des lustres aux reflets éblouissants ornent le plafond. Très joli, mais je ne me sens pas vraiment dans mon élément.

Je lâche un petit rot dubitatif en m'asseyant sur ma chaise. Le garçon me lance un regard mi-amusé, mi-accusateur.

- Eh ben dis donc, c'est autre chose que le MacDo ici !, s'exclame Cunégonde d'une voix aigüe.

- Ne blasphème pas contre le MacDo, susurre JK. Nous sommes loin, mais il pourrait nous entendre. C'est une âme sensible et fragile.

- Mais pourquoi on est pas allés dans un truc plus... normal ? Nous ne sommes pas si riches que ça !, demandé-je.

- C'est la production de l'émission qui paye, donc autant les faire cracher. Et puis, c'est bon pour notre image d'être vu dans des lieux un peu classieux. Ça prouve que nous avons du succès, et donc que nous sommes dignes d'intérêt.

- Logique bourgeoise de merde.

- Tout est histoire de communication, dans ce business, me répond-il.

Le serveur est déjà de retour, comme si nous étions censés avoir choisi ce que nous voulions bouffer avant même d'être installés.

- Messieurs-Dames, je vous écoute ?

- Vous avez quoi en végétarien sans matières grasses et sans gluten ?, s'enquiert Gontran. Toujours en train de casser les couilles, celui-là. D'autant plus que quand ça l'arrange, il est bien flexitarien.

- De la merde de chien à la frangipane, lui chuchote JK dans le creux de l'oreille.

- Je conseillerais le repas végétarien du jour, Monsieur, récite le gars, faisant semblant de ne rien avoir entendu. Soupe forestière aux petits morceaux de poireaux, jeune saumon au citron de Tunisie sur son coussinet de betteraves, et une glace à l'eau.

- LE POISSON CE N'EST PAS VÉGÉTARIEN.

- Nous pouvons le remplacer par un steak au tofu, Monsieur. Toutes mes excuses.

- Va pour ça, mon brave. Sans rancune.

Le serveur tourne son regard inquisiteur vers moi.

- Je vais prendre votre entrée la plus dispendieuse, votre plat principal le plus cher et votre coupe de glaces la plus onéreuse avec double supplément chantilly, clamé-je, toute fière d'avoir placé trois synonymes dans la même phrase - je m'étais préparée avec le dico.

- Pareil, lance JK.

- De même, se joint Cunégonde.

- Euh... Ouais, je vais suivre, suit Gérald.

- Même chose, mais avec un triple supplément chantilly, clôt Monica. Voilà, comme ça je pourrai dire que j'ai mangé plus que vous, bande de grosses tarlouzes !

[Roman] Comment monter sa propre secte dans son jardin ?Where stories live. Discover now