Aiquesh

02 - Léonie

Le Hall des Urgences de l'Hôpital Rosemary était bondé. Ce qui était tout à fait normal en vue des circonstances. Il y avait eu un accident sur la route N137 entre un camion transportant des voitures de luxe et un autre, qui convoitait des bidons de nitroéthane. Selon la police, ce dernier voulait doubler le camion avec les Porsches et certainement des Lamborghinis, mais il s'était rabattu trop tôt et l'arrière de sa remorque avait cogné la carrosserie avant du camion. Les deux engins s'étaient retrouvés en perpendiculaire de la route. Le reste de la circulation, qui continuait sur sa lancée, s'était retrouvé bloquée, d'autres étaient écrasées entre les voitures et les camions.

Bon je ne vais pas vous faire un dessin. Pour résumer, il y a eu beaucoup de blessés et énormément de décès, à mon grand regret.

J'observai tous ces pauvres gens pénétrer dans l'Hôpital et quémander de l'aide aux médecins et infirmières qui passaient devant eux. Certains avaient un membre déboîté, d'autres étaient ensanglantés. Je me levai du siège en fer, les mêmes qu'on avait l'habitude de trouver dans les salles d'attente et me dirigeai vers le comptoir de l'accueil.

C'était une véritable petite fourmilière.

Les deux secrétaires, Madeleine, une quinquagénaire humaine aux traits fins et coiffée d'un chignon, courait dans tous les sens à m'en faire perdre la tête. Puis, Gloriel, une ange de la classe des séraphins4, distribuait des formulaires à tous les patients qui arrivaient en masse dans les Urgences. Dés lors que je m'approchai de cette dernière, elle me lança un regard insistant, puis me pointa du menton une pile de dossiers posés à l'autre bout du comptoir. Je l'observai en soupirant de désespoir.

Encore une soirée que j'annulais au dernier moment. Théodonice allait me tuer !

Je m'emparai des dossiers, puis empruntai la porte arrière, celle réservée au personnel médical. Normalement je devrais prendre l'entrée principale, mais dans les circonstances actuelles, c'était plus prudent de couper par le sous-sol. En m'arrêtant devant deux ascenseurs, je restai figé ne sachant plus sur quel bouton appeler. L'un conduisait du premier jusqu'au quatrième étage. L'autre, nous emmenait directement au sous-sol ou au cinquième étage. Celui-là était réservé aux créatures surnaturelles, aucun humain ne pouvait y accéder, à moins d'avoir un badge spécial. Ce niveau faisait quelques exceptions. Nos secrétaires, Mélanie, une louve-garou et Béatrix, une vampire âgée de, bientôt, trois cents ans, les laissaient quelques fois passer pour aller nourrir la petite communauté des Collums.

Il s'agissait du clan des vampires le plus puissant de la région. Même si leur QG se trouvait dans un vieux château abandonné près de la départementale D104 en direction de l'Houmeau, beaucoup d'entre-eux travaillaient de nuit dans des restaurants ou plus souvent des bars. Vu que cette race craignaient le soleil, ils devaient travailler de nuit, au risque de terminer en un joli petit tas de cendres.

Les dossiers me glissèrent des mains lorsque je tentai d'appuyer sur l'un des boutons.

Quelle maladroite que j'étais.

Je m'accroupis pour les ramasser en prenant garde à ce que mon bracelet sur mon poignet droit ne se prenait pas dans les feuilles.

« Vous avez besoin d'aide Mademoiselle ? »

La voix grave derrière moi me fit sursauter et je vacillai au sol sur les fesses. Lorsque je me retournai, un homme, grand, vêtu d'une veste en cuir, d'un tee-shirt et d'un jean délavé, me tendit la main pour m'aider à me relever. Je pris quelques secondes de réflexion avant d'accepter. Un léger picotement sous ma peau se fit ressentir lorsque nos doigts s'entremêlèrent. C'était étrange et agréable. Mais c'était quand même bizarre. Je fronçai légèrement les sourcils à cet acte. L'homme m'aida à récupérer le restant de mes papiers qui jonchaient le sol.