05 - Léonie

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Ma pauvre Théodonice. Elle qui ne ferai pas de mal à une mouche s'était fait cambrioler hier. J'avais passé une bonne partie de la soirée à discuter avec elle de tous les évènements qui s'étaient produits ces trois derniers jours. Persuadé que les démons y étaient pour quelque chose, je retirai l'un des gants en vinyle et attrapai mon téléphone portable pour envoyer un message à Gloriel.

Tout en attendant sa réponse, il ne me restait plus qu'à m'attaquer au fameux dossier de mon père. Il y a une semaine, jour pour jour, il était venu me transférer un cadavre et m'avait laissé un mot sur le comptoir en m'indiquant à quel point c'était urgent. Je m'avançai vers le tiroir qui correspondait au Dossier 66. J'adorai quand mon père me rangeait les défunts dans un tiroir, mais je l'appréciais beaucoup moins lorsqu'il ne me laissait aucunes photos de la personne dans le Dossier. Quand je tirai la clenche et ouvris la porte à l'horizontale, j'étais surprise en découvrant la jeune femme qui s'y trouvait. Ses yeux fermés lui donnait l'impression qu'elle rêvait profondément. Mon regard parcourut son corps puis s'attarda sur ses poignets. D'énormes marques bleue et violette les entouraient, ce qui signifiait qu'elle était ligotée ou bien qu'une personne les maintenait fermement. Ma main caressa légèrement son avant-bras ce qui me permettait d'en sentir la douceur. Tout en étant plongé dans mes pensés, mes doigts s'entrelaçaient aux siens. À cet acte, je ressentis une peau râpeuse comme si des bouts de verres s'étaient incrusté dedans. Je pris sa main pour mieux l'observer et remarquai une chose horrible. Un pentagramme était dessiné à l'intérieur. Les morceaux de sa chair sortaient du symbole. Un frisson me parcourut l'échine. Je relâchai d'un geste brusque son bras, qui s'écrasa contre la planche en inox du tiroir. Une remontée du suc-gastrique me titilla l'œsophage et je dus me retenir de ne pas rendre mon repas sur cette femme. D'ordinaire, je ne réagissais pas de cette manière, mais là, c'était différent. Je connaissais cette défunte.

Il s'agissait de Jessica HOLICE, une faucheuse de vingt-deux ans dont sa vie avait tragiquement basculée lors d'un violant accident de voiture.

Sa vie d'humaine du moins.

Je me rappelais encore de notre rencontre. C'était deux mois après la fin de la guerre. J'étais tout juste secourut des flammes de l'Enfer et je venais d'annoncer à Tessa et mon père que je voulais me remettre au travail aux Pompes Funèbres. Thanatos était d'accord à condition qu'une faucheuse me secondait dans mes tâches les moins colossales. J'y étais un peu contre, mais je ne me sentais pas reprendre à temps plein. Après quelques jours de réflexion, mon père me l'avait alors présenté. Elle était jeune et belle, avec de grosses boucles rousses qui retombaient en cascade le long de ses épaules. Cela se remarquait qu'elle était novice dans le boulot de faucheuse car à peine Jessica avait passé le seuil de la porte, que j'avais déjà remarqué un léger filet de sang dégouliner du coin de sa bouche. Je m'en amusais beaucoup et elle me faisait comprendre qu'elle en avait assez que je lui rabâchais sans cesse de faire attention au coulis lorsqu'elle se nourrissait d'un cerveau humain. On s'entendait à merveille, tellement bien que lorsque j'étais en repos, on se rejoignait à une petite cafétéria à quelques pas des Pompes Funèbres. Au bout d'une année à collaborer, Jessica avait fini par m'annoncer qu'elle suivait son petit copain, Nolan GUILLET un sorcier des éléments, pour envoyer toutes âmes malsaines en Enfer. Je savais qu'elle possédait un côté Oliver Queen, mais au point de jouer les justicières avec un sorcier qui contrôlait le feu, me semblais un peu tirer par les cheveux. J'avais fini par accepter sa décision et la laisser voler de ses propres ailes.

Le bruit des klaxons me sortit de mes lointains souvenirs. Je m'emparai d'un formulaire de défunt afin d'y annoter toutes les anomalies que je risquais de trouver. Je commençais par inscrire le nom et prénom de la personne, puis remplissais les blessures détaillées qu'elle possédait sur chaque membre. Lorsque je m'apprêtai à compléter la partie correspondante au tube digestif, je me rendis compte que j'avais oublié d'observer le fond de sa gorge.

AiqueshWhere stories live. Discover now