Aiquesh

36 - Damien

La fin d'après-midi sur les Cours des Dames à La Rochelle est l'un de ces moments où le monde semble ralentir, pris dans la magie tranquille du soleil couchant. L'air frais d'octobre fouette mon visage alors que je tiens fermement dans mes mains deux gobelets fumants de chocolat chaud et un cornet de chichi encore tiède, sucré juste comme il faut.

En m'approchant du vieux port, je la vois. Mon âme-sœur. Léonie est là, assise sur un banc, emmitouflée dans son manteau, les yeux perdus dans l'immensité orangée du ciel. Son énergie, un mélange unique de force et de fragilité, résonne jusqu'à moi, me guidant vers elle comme un phare dans la brume.

Je m'assois à côté d'elle sans un mot, lui tendant un gobelet de chocolat chaud. Elle accepte avec un léger sourire, celui qui me réchauffe le cœur bien plus que n'importe quel breuvage.

« Je savais que tu viendrais. J'ai senti ta présence. dit-elle, sa voix douce portée par le vent marin.

— On ne peut rien te cacher ! » rigolai-je en buvant une gorgé.

Je hoche la tête, admirant le reflet du coucher de soleil dans ses yeux.

« Léonie, tu vas réussir, tu sais ?

— De quoi ? Pour mes pouvoirs ?

— Non. Tu vaincras mon père. J’en suis sûr.

— Et si j’échoue ? Qu’est-ce qu’il va se passer ? demanda-t-elle d’une voix tremblante d’inquiétude.

— Tu ne vas pas échouer Léo. Je sais tout ce que peut faire l’Aiquesh. »

Je marque une pause, cherchant les mots justes pour continuer. Elle tourna sa tête en direction de la tour Saint Nicolas, puis ferma ses magnifiques yeux vert émeuraude.

« Ton père t’a donné ce joyau...

— De quelle joyau tu parles Damien ?

— Euh… l’énealonïte, je crois qu’il…

— Comment es-tu au courant que je l’ai ? Et comment es-tu au courant que mon père me l’a donné ? Coupa-t-elle, ses yeux rouge écarlate.

— C’est Azazel qui me la dit. Je lui avais demander de te surveiller juste après nos retrouvailles. Expliquai-je.

— Ouais.

— Bref. L’énéalonïte est notre meilleure chance. »

Léonie tourne vers moi un regard interrogateur, le front légèrement froncé.

« Comment cette pierre peut-elle m'aider à battre le DarkSoul ?

— Ce joyau possède plusieurs pouvoirs. Il peut absorber toute l’énergie du DarkSoul, l’affaiblissant considérablement. Une fois qu'il sera affaibli, nos alliés pourront le finir avec une lame en argent. » expliqué-je, mes doigts jouant distraitement avec le cornet de chichi.

Léonie acquiesce lentement, mais je sens sa réticence.

« Je préfère utiliser mes pouvoirs d’Aiquesh pour le neutraliser. Je dois le faire à ma façon, Damien.

— Léo, on ne parle pas d’une petite querelle entre deux petits démons de pacotille, mais de mon père qui s’apprête à sortir du Voile avec une armée d’âmes en rogne et anéantire toute la ville. C’est ce que tu veux ?

— Bien sûr que non, Damien. Je veux le voir mort moi aussi, mais je ne pense pas que le joyau nous aide beaucoup. »

La résolution dans sa voix m'impressionne autant qu'elle m'inquiète. Je sais les risques qu'elle veut prendre, mais je sais aussi sa force, et je ne peux qu'admirer sa détermination.

Léonie rompt la tension du moment en m'enlaçant soudainement, ses bras m'entourant de toute la force de ses émotions.

« Je t'aime, Damien. » murmure-t-elle au creux de mon oreille, ses mots se mêlant à la brise marine.

Je la serre contre moi, chaque fibre de mon être vibrant à l'unisson avec les siennes.

« Je t'aime aussi, Léonie. Et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour te protéger. »

Même si cela signifie affronter mon propre père, même s'il faut que je combatte les légions démoniaques pour la sauver.

Le soleil disparaît lentement derrière l'horizon, laissant derrière lui une traînée de lumière qui s'estompe dans le crépuscule naissant. Tout en elle me rappelle pourquoi je suis prêt à tout risquer. Pour Léonie, pour notre avenir, je me battrai contre n'importe quelle ombre, contre n'importe quel démon. Nous affronterons ensemble les ténèbres, armés de notre amour et de notre courage. Ce n'est pas seulement un combat pour le destin du monde; c'est un combat pour notre propre destinée.

***

L'aube n'avait pas encore percé le ciel lorsque je rentrai chez moi, après m'être assuré que Léonie était en sécurité, entourée de Gloriel et Théodonice. La nuit était silencieuse, un voile tranquille étendu sur la ville qui semblait tenir son souffle sous le poids des ombres.

En entrant, je me dirigeai directement vers la salle de bain, sentant le besoin impérieux de me laver de la journée éprouvante. L'eau chaude en cascade était comme une bénédiction, roulant sur mes épaules tendues, emportant avec elle les tensions et les craintes qui s'étaient accumulées. 

Sorti de la douche, enroulé dans une serviette, mes pensées encore embrumées par la vapeur, je fus surpris de trouver Azazel dans le salon. Il tenait une pizza, encore fumante, qu'il avait commandée dans notre restaurant favori de la rue Saint Nicolas.

« J'ai pensé que tu pouvais avoir un peu de réconfort ce soir. » dit-il en me voyant.

Je le remerciai d'un signe de tête, allant rapidement dans ma chambre pour enfiler des vêtements plus confortables. Une fois changé, je rejoignis Azazel à la table, prêt à partager ce repas tardif mais bienvenu.

À peine avions-nous commencé à manger qu’Azazel, le visage soudainement sérieux, coupa l'air détendu qui s'était installé entre nous.

« Damien, il y a quelque chose que tu dois savoir...

— Que le joyau l’énéalonïte peut nous aider à vaincre mon père ? Oui je le sais Azazel...

— ...Le corps de Lilith a disparu. »

Je posai brusquement ma part de pizza, le choc me frappant de plein fouet.

« Comment ça disparu ? demandai-je, la voix tendue par l'inquiétude.

— Thanatos et Léonie l'avaient enterré sur le territoire des loups-garous, loin des regards indésirables. Mais il semblerait que les démons aient trouvé la cachette et aient décidé de déterrer son corps. » expliqua Azazel rapidement.

Mon esprit tourna à plein régime, essayant de digérer l'information, de comprendre les implications.

« Lucifer... » murmurais-je presque pour moi-même.

C'était la seule explication logique. Lucifer voulait Lilith de retour, et ce, à tout prix. Et s'il souhaitait ma mort ainsi que celle de Léonie, c'était pour nous empêcher d'interférer dans ses plans diaboliques. Je me levai brusquement, mon téléphone déjà en main.

« Je dois prévenir Léonie. »

Composer son numéro me semblait être la chose la plus urgente à faire. Elle devait être au courant, surtout si Lucifer devenait de plus en plus audacieux dans ses actions.

La conversation qui suivit fut brève. Léonie, déjà alarmée par la nouvelle, comprit immédiatement la gravité de la situation.

« Reste en alerte. Je ne laisserai rien t'arriver. » dis-je avec toute l'intensité dont j'étais capable.

Raccrochant, je sentis une résolution froide se cristalliser en moi. Lucifer avait fait son jeu, mais je n'allais pas le laisser gagner aussi facilement. Que ce soit en tant que futur roi de l'enfer ou simplement en tant qu'homme amoureux, j'étais prêt à combattre les ténèbres, à défendre ceux que j'aime, à affronter même mon propre père si nécessaire.