IX

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A l'époque où nous ne communiquions que par internet, tout n'était qu'une question de sexe, ou presque. Via skype, je lui faisais toujours des défilés de mes tenues les plus enfantines ou ne m'habillais que très peu, volontairement. Je lui envoyais des photos de moi dans différentes positions : assise, allongée, à genoux, à quatre pattes... Je n'ai jamais pensé à un piratage possible de mon téléphone. Je dirais même que je m'en fichais. Mon corps était devenu une arme et Daddy semblait heureux de recevoir ces photos. Il ne m'en a jamais envoyé, lui et je ne lui en ai jamais demandé. Tout était mécanique. Quand je rentrais de l'école, je changeais de vie. Je passais de Laura, élève de terminale, à Baby Girl, une jeune fille innocente qui faisait tout pour plaire à son Daddy.

Aujourd'hui, je peux assumer pleinement mon nouveau rôle. A ses côtés, je n'ai pas honte de sucer mon pouce ou porter des t-shirts reine de neiges. Avant ça, je n'avais que des pyjamas Disney, car je me sentais ridicule d'acheter ce type de vêtements. Ma taille me permet de m'habiller chez les enfants, c'est donc plus facile de trouver des fringues de ce genre. Mais soit on me prend pour une adulte et on se demande pourquoi j'achète ces choses, soit on me prend pour une enfant et on se demande où son mes parents.

A ma tentative de suicide, j'ai dû avoir un suivi psychologique. Ces séances n'ont mené nulle part, parce que je refusais de parler. Mais à cause de mes gestes et ma façon de parler, la psychologue en a conclu que j'ai manqué d'amour dans mon enfance et que le manque de figure paternelle m'a fait devenir qui je suis. C'est sûrement vrai.

En tout cas, voir Daddy cuisiner est un vrai bonheur. Je ne me lasse pas de le regarder. Il porte un tablier marron, ses pantoufles de la même couleur et agite les poêles comme un vrai chef. Je n'ai jamais eu droit à cette joie de vivre dans une cuisine. Depuis aussi loin que je m'en souvienne, quand ma mère me préparait à manger, c'était toujours rapide et sans saveur. Sinon, je devais me débrouiller, ce qui résultait toujours à un plat de pâtes trop ou pas assez cuites.

Ce soir, j'aurai droit à une jardinière de légumes qui viennent tout droit du potager de Daddy, avec des petits morceaux de poulets. Il a même préparé une sauce au lait de coco qui sent délicieusement bon. Assise sur la dernière marche de ses escaliers en bois, je l'observe. Il ne me regarde pas, trop occupé, mais sourit car il sait que je le fixe.

- C'est bientôt prêt, déclare-t-il.

J'acquiesce d'un mouvement de tête même s'il ne peut pas me voir.

- Tu vas mettre la table, s'il te plaît Baby Girl ?

- Oui, Daddy.

Je me lève, abandonne mon ourson en peluche sur la marche et rejoins la table du salon, où tout est empilé. Je dépose d'abord les couverts et répartis les assiettes pour enfin poser les verres l'un en face de l'autre. Nous mangeons toujours face à face. Ça me change beaucoup. Je ne suis plus habituée à prendre mes repas avec quelqu'un. Avant, ma chambre était un refuge pour toutes mes activités quotidiennes.

- Attention, c'est chaud !

Daddy arrive avec les poêles, qu'il pose sur des planches de bois. Il va ensuite chercher la casserole avec la sauce et s'installe pour me servir. Enfin, nous mangeons.

***

Après le repas, Daddy m'autorise à passer un peu de temps dans son petit jardin carré. Il n'y a pas grand-chose pour jouer, c'est juste un terrain vide, mais je peux faire un peu d'exercice. Il y a toutes ces choses que je ne pouvais pas faire avant : de la corde à sauter, de la gymnastique... Je saute et cours partout. Je n'ai jamais eu de jardin et ma chambre était trop étroite pour me permettre ces mouvements.

Pendant ce temps, Daddy fait la vaisselle.

- Bonsoir, me dit une voix derrière moi.

Je me retourne et aperçois le voisin à travers la grille verte. Il n'y a rien qui cache notre espace de jeux.

- Bonsoir, je réponds d'une petite voix.

J'ai arrêté tout mouvement.

- Alors, les vacances se passent bien ? Tu t'amuses bien ?

J'imagine qu'il doit penser que Daddy est mon père. Quelque part, ça m'amuse. Toutefois, je suis un peu réservée et timide avec les hommes. J'essaie de rester polie mais il est difficile pour moi d'engager une conversation.

- Oui.

- Dis-moi. Quel âge as-tu ?

Je jette un coup d'œil à Daddy, qui est de dos. Je soupire et regarde à nouveau le voisin.

- Pourquoi vous me demandez ça ?

- Je suis curieux.

Un peu trop à mon goût, mais je me retiens de le lui faire remarquer.

- J'ai un fils qui a seize ans. Nous pourrions organiser un dîner avec ton père, qu'est-ce que tu en dis ?

Je hausse les épaules. Je vois ce qu'il essaie de faire, mais je ne suis pas intéressée. Par chance, Daddy arrive au même moment pour me sauver. Il pose ses mains sur mes épaules.

- Nous en serions très ravis, Roger. Bon, il est temps pour Laura d'aller prendre sa douche, je te souhaite une bonne soirée.

- Bonne soirée.

Le voisin me fait un signe de tête auquel je ne réponds pas. Je préfère retourner à l'intérieur avec Daddy qui semble contrarié. Il referme la porte-fenêtre, tire le rideau gris et croise les bras en se retournant. Ses sourcils sont froncés.

- Je ne veux pas que tu parles avec les hommes quand je ne suis pas là.

Je baisse la tête.

- Pardon Daddy...

- Même s'ils te parlent en premier. Tu ne leur réponds pas et tu viens me prévenir. Est-ce que c'est clair ?

Son ton est étonnement autoritaire et plein de reproches. Je ne sais pas où me mettre. Mon cœur s'accélère et mes jambes deviennent toutes molles, tremblantes. Je n'ose même pas le regarder dans les yeux. Son regard méchant me fait peur.

- Oui, Daddy...

- Bien. Comme c'est la première fois, tu ne seras pas punie. Mais je ne veux pas que ça se reproduise.

Il s'avance et glisse sa main sous mon menton. Il me force à relever la tête et le regarder. Son visage s'adoucit petit à petit pour m'offrir un sourire affectueux. Je lui rends ce sourire.

- On va l'écrire sur le mur, comme ça tu le sauras pour la prochaine fois.

J'acquiesce. Quelques secondes après, je suis assise, un stylo à la main en train d'écrire la première règle sur un papier rose, qui rejoint aussitôt la première feuille. C'est satisfaisant de faire ça. Je ressens une certaine fierté à créer des règles avec Daddy et de devoir les respecter par la suite. On ne m'a jamais vraiment donné de règles quand j'étais plus jeune. J'ai toujours fait ce que je voulais. En même temps, je ne pense pas avoir été une mauvaise fille. Je n'ai jamais fait de grosses bêtises. Et je ne suis pas prête d'en faire avec Daddy. Je veux vraiment être une Baby Girl sage.

Daddy ? Baby Girl. / 𝐋𝐀𝐔𝐑𝐀 (⚤)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant