XII

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- Laura...

Daddy me regarde, désemparé. Il fait quelques mouvements inutiles, qui n'aboutissent jamais à ce qu'il veut. Il aimerait m'empêcher de faire ma valise, m'empêcher de partir, mais il est incapable d'aller contre ma décision. Ça fait partie de ses engagements et heureusement d'ailleurs ! J'avoue avoir eu un peu peur qu'il ne tienne pas sa promesse et qu'il me retienne prisonnière. Mais quand il m'a rendu mon téléphone, j'ai tout de suite compris que je pouvais m'en aller sans soucis.

Dans son regard se lit une grande tristesse, et peut-être un peu de honte. Il n'y a pas de discussion possible, je m'en vais. J'ai prévenu ma mère, qui a tout de suite pris la voiture pour me rejoindre. Elle semblait vraiment heureuse que je l'appelle mais inquiète. Je ne lui ai donné aucune explications, juste l'adresse de Daddy.

- Laura s'il te plaît... On peut parler deux minutes ?

Je ne reprends que les affaires que j'avais amenées.

- Non. On a déjà discuté.

- Mais Laura... S'il te plaît... Juste deux minutes... Laisse-moi t'expliquer.

Je pousse un bruyant soupire et m'assois d'un coup sec sur le rebord du lit en croisant les bras. Daddy se rapproche et se met face à moi, accroupi, mais je tourne la tête pour ne pas croiser son regard.

- Nous ne pouvons rien faire, Baby Girl.

- Bien sûr que si ! On peut aller voir la police !

- Ce n'est pas aussi facile...

Il pose ses mains sur mes jambes nues et baisse la tête, vaincue.

- Une jeune femme se fait battre et toi, tu restes là, comme si tu n'avais rien vu ! Tu es un monstre !

Je lui dégage violemment les mains.

- Si c'était moi, tu me laisserais me faire battre ?!

- Non ! S'empresse-t-il de répondre. Bien sûr que non ! Laura... Je tiens à toi...

- Et bien, ce n'est pas assez !

Je me lève et le contourne pour continuer ma valise. Je jette toute ma colère dans la façon dont je fourre mes affaires dans la valise. Il n'y a que ma peluche que je traite avec respect. Quand j'ai terminé, je m'assois dessus pour la refermer, refusant l'aide proposée par Daddy et descends pour mettre mes chaussures.

- Qu'est-ce que tu fais ? Ta mère ne va pas arriver avant des heures..., me rappelle Daddy.

- Je m'en fiche. Je vais l'attendre dehors.

J'enfile un gilet pour couvrir mes bras et sors en tirant ma valise. Je me pose sur la petite marche devant la maison et attends. Je reste silencieuse et observe les hautes herbes qui s'étendent à perte de vue. Nous sommes dans un coin reculé du pays. Les trois maisons sont les seules avant plusieurs kilomètres. Elles sont situées entre la ville et le premier village.

Elles se ressemblent toutes. Faites-en pierres blanches, les toits, les volets et les portes sont bleues. Il n'y a que le chiffre qui les différencie et le nom sur la boîte aux lettres. 1, 2, 3. Daddy est dans la première. Mais je n'ai encore jamais vu les voisins de la troisième. Leur voiture est une clio grise, avec un sent-bon en forme de sapin accroché sur le rétroviseur. Rien ne m'indique combien ils pourraient être et à quoi ils pourraient ressembler.

Rester assise sans rien dire me faire réfléchir au sens de la vie. Je me pose tout un tas de questions existentielles auxquelles je n'ai presque jamais de réponse. Pourquoi la vie ? Pourquoi la mort ? Mais surtout, pourquoi je suis comme ça ?

J'avoue ne pas toujours avoir été une fille modèle. J'ai une très mauvaise relation avec ma mère et le fait qu'elle ne veuille jamais parler de mon père me met constamment en colère.

- Laura...

Je soupire et tourne la tête à l'opposé de Daddy. Il ne veut décidément rien lâcher...

- Je pourrais perdre mon travail.

- Je m'en fiche, je marmonne.

- Et si je perdais mon travail, je ne pourrais plus subvenir à tes besoins. Et tu es la seule chose qui compte pour moi... Baby Girl.

Je le regarde du coin de l'œil. Il s'assoit à côté de moi mais je me relève quand une voiture arrive. Je la reconnais tout de suite, c'est celle de ma mère. D'ailleurs, celle-ci freine brusquement et sort en trombe pour venir à mon secours. Je n'ai pas le temps de faire quoi que ce soit qu'elle me serre dans ses bras.

- Oh mon bébé ! Tu m'as tellement manquée ! Je me suis inquiétée...

- C'est bon maman. Lâche-moi...

Elle s'excuse et se décolle de moi en fronçant les sourcils. Je rejoins immédiatement la voiture, sans même dire aurevoir à Daddy. Cependant, je lui jette un regard plein de tristesse avant de m'enfoncer dans l'automobile.

- Il est où ton petit-ami ? Me demande ma mère en attachant sa ceinture.

Je regarde par la fenêtre.

- Parti.

- Quoi ? Et qui est cet homme ? Son père ?

- Ouais, je mens.

Je colle ma tête à la vitre et soupire.

- Oh mon bébé, j'espère qu'il ne t'a pas touchée, hein ?!

- Non. Arrête tes conneries et démarre.

Déjà détachée de ma figure paternelle, j'ai l'impression d'être une autre personne. Je retrouve aussitôt le poids des responsabilités, que je vais avoir encore beaucoup de mal à assumer. J'ai fini le lycée et ne me suis inscrite dans aucune école supérieure. Les grandes vacances se terminent bientôt et la réalité me revient petit à petit comme un ouragan.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Rien. Laisse-tomber.

- D'accord... Tu veux qu'on s'arrête sur la route pour manger toutes les deux ?

Je ferme les yeux et me cale, prête à me reposer.

- Non. Je veux rentrer.

Le trajet me paraît interminable mais une fois à la maison, j'ai l'impression que je viens tout juste de quitter Daddy. Son visage peiné reste gravé en moi, me faisant de plus en plus culpabiliser. Je le vois encore sur cette marche, les yeux brillants de larmes, qui ne coulent jamais. Il a respecté mon choix de partir à contre cœur. Moi-non plus je ne voulais pas partir, mais par principe, je ne pouvais pas rester avec un homme sans honneur.

Ma chambre me casse davantage le moral. Elle a beau être comme je l'ai laissée, rangée et propre, ses couleurs fades et son manque d'animosité me donne envie de me suicider. En me jetant sur mon lit, celui-ci tape contre le mur dans un bruit sourd, qui alerte ma mère. Elle entre dans la chambre en hurlant.

- Tout va bien ?!

Je ne la regarde même pas. Elle m'énerve. Je me retourne face à la fenêtre et serre mon coussin entre mes bras pour pleurer silencieusement, espérant que ma mère me laisse tranquille et que lorsque je me réveillerai, je me rendrai compte que tout ça n'était qu'un cauchemar.

Daddy ? Baby Girl. / 𝐋𝐀𝐔𝐑𝐀 (⚤)Where stories live. Discover now