Chapitre 2 : Les fleurs du désert

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Sharaï Enathkan portait en elle le sang des phénix. Sharaï était mère, et elle aimait son enfant ; mais Sharaï était surtout la mère de son peuple, et la vie de cet enfant-là passait avant toute autre. À sa mort, elle devint aussi la mère de Salante. Il se murmure que le désert porte en lui les traces de sa magie, et que la Mère Flamboyante aide parfois ceux qui sont perdus à trouver leur chemin.

– Jezebel Izia, archiviste de la Cour d'Arden, Histoire de la Maison Enathkan, IIIe millénaire A.A.



L'Étoile d'Arden projetait son ombre immense sur les crêtes de sable, tel un gigantesque albatros fendant le ciel céruléen du pays qui lui avait donné son nom. Toutes voiles gonflées, le navire avait fière allure. À son altitude de croisière, le ciel était aussi glacé que le sable en contrebas était chaud, en dépit du soleil infatigable qui rayonnait depuis l'aube. L'équipage du laestravel n'avait pas à souffrir de la chaleur accablante qui terrassait la faune et la flore du désert. Du moins, cela était vrai sur le pont supérieur.

– Sapristi ! jura Eff'il.

Son seau renversé avait répandu une grosse flaque d'eau brunâtre et mousseuse dans l'entrepont. Maudite secousse. Le récipient vide à la main, le jeune elfe se redressa avec précaution ; le plafond à ce niveau n'était pas assez haut pour lui permettre de se tenir debout.

– Vois le bon côté des choses, ça ira plus vite à nettoyer, maintenant, remarqua Relan.

L'ancien palefrenier jeta un regard malheureux à son compagnon de corvée, dont le visage en sueur était aussi rouge que le sien.

– J'avais déjà lavé cette partie-là.

Leur nouveau passager haussa les épaules.

– Dommage. Plus qu'à recommencer, alors.

Eff'il soupira.

Quand Flora avait lancé d'une voix claire qu'il fallait que quelqu'un mette de l'ordre dans l'entrepont, il s'était aimablement porté volontaire, mais son élan de générosité ne lui semblait plus être une idée si brillante, à présent. Relan l'avait suivi dans sa chute, sans doute pour échapper quelques heures au regard courroucé de Whyn. Il semblait le regretter autant que lui. Il régnait à cet endroit une chaleur étouffante, et l'énergie déployée à astiquer le parquet avec leurs serpillières usées n'arrangeait rien. Le jeune elfe s'appuya sur le manche de sa serpillière.

– J'ai besoin d'une pause, je crois.

– Moi aussi, fit la voix essoufflée de Selena, qui venait de les rejoindre.

La tête courbée, elle se faufila à côté d'eux sans cesser de jeter des regards méfiants derrière elle. Sa tunique blanche aux lacets défaits était aussi trempée que les leurs, et des mèches de ses longs cheveux attachés en arrière collaient à son front. Au moins, aucun d'entre eux ne risquait d'être incommodé par l'odeur quasi animale qui flottait dans l'entrepont. La jeune fille s'immobilisa, les yeux grand ouverts.

– Qu'est-ce que vous fabriquez ?

– Nous abreuvons le parquet, Votre Altesse, répondit Relan d'un ton extrêmement sérieux. Lady Flora a pensé qu'il risquait de souffrir de la température ridiculement élevée qui règne ici et nous a confié cette noble quête, dans son incommensurable grandeur d'âme.

Eff'il se retint difficilement d'éclater de rire.

– Flo voulait des volontaires pour faire du ménage, traduisit-il.

ERALDIOR - Volume 2 - Le Voyage de l'Étoile d'ArdenWhere stories live. Discover now