Magnétisme

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PDV Alicante

Le secret de la traque réside dans le degré d'attention. Tout se joue selon la poursuite oculaire, la souplesse du mouvement, la légèreté du pas et se concrétise avec l'effet de surprise.

Je bondis du haut de l'arbre, atterris sur ma première proie, transperce le dos d'une autre puis le torse de la dernière. Son cri d'étonnement se mue en gazouillis confus, dus aux bulles de sang qui se déversent depuis les commissures de ses lèvres.

La brochette divine s'effondre.

Essoufflé, je jette un regard circulaire et pose mes mains sur mes genoux, en solitaire. Alors que le goût du sang s'atténue sur ma langue, je renforce mon self-control afin d'éviter l'enfoncement spontané de l'un de mes poings dans le sol.

Faiblesse.

Les enfants, sont faibles. Les Lumineux, sont faibles. Les Soigneurs, sont faibles. Mais pas la famille royale.

Pourtant, la voix de Père résonne à l'intérieur de mon crâne.

Je ferme les yeux, trop fort pour que cela paraisse normale. Alors je les rouvre, furieux envers la médiocrité de mes défenses psychiques. Ecclésia a raison, son contrôle sur moi est excessif.

Plié en deux, les entrailles et le tube digestif en feu, je prends conscience de ma résignation. Après m'être efforcé de séquestrer ma fatigue, l'affaiblissement de ma force musculaire ainsi que mes capacités physiques et divines diminuées entre deux parenthèses mentales, j'ai ordonné à mon corps de prendre part au combat.

Il en a tué plus d'un. Il a aussi filé ces trois fugitifs, séparés de leurs armures endommagée, qui s'étaient donnés pour mission de traquer les Exilés cachés. Il n'était pas rassasié, malgré la quantité de sang versé. A présent, il souffle. Son repos n'est-il pas mérité ?

Ecclésia aurait répondu à l'affirmative.

Faible, faible, faible.

Je m'accroupis dans l'herbe, les poings sur les oreilles.

Mais pas Père.

Faible, je reste faible. Et si Père parvenait à me faire capturer, c'est dans cet état lamentable qu'il me retrouverait. Recroquevillé et doté d'une épée que je n'ai pas été fichu de reconstituer. Je n'ai pas le droit de revenir bredouille.

Je pose deux doigts sur chacune de mes tempes, dans le but de calmer la migraine qui me fendille le crâne.

En plus de rendre mon père invincible et de décrocher son respect, l'Epée me permettra d'accomplir un nouvel exploit que le monde chuchotera à son voisin, qui le rapportera à son voisin, qui enchaînera avec le voisin suivant, jusqu'à ce qu'une énième légende en découle.

-Ne bougez pas.

Je me redresse d'un trait, et me retrouve face à la mère d'Ecclésia. La sécrétion d'adrénaline que vient d'engendrer son intervention se traduit par de légers tressautements au niveau de mes doigts ; et de manière plus spectaculaire, par l'orientation de mon épée vers son thorax.

Je ramasse mes doigts libres en poing compact, de sorte à camoufler les effets de la surprise.

Une main luminescente positionnée à l'endroit où se trouvait mon épaule, la faiblarde esquisse une moue boudeuse. Interloqué par son apparente désinvolture, je délaisse mon attitude offensive pour la dévisager, la tête inclinée sur le côté.

Depuis quand la pose d'une lame sur une carotide peut-elle s'apparenter à de la bienveillance ?

-Vous n'êtes pas du genre à obéir, n'est-ce pas ?

Cœur de flamme (Tome 2)Where stories live. Discover now