Mutinerie -Deuxième partie

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PDV ALICANTE

Je la fusille du regard puis la relâche. Kyra porte ses doigts à son cou, essoufflée.

— C'est elle ou moi et le fragment. Le temps que tu perdras à la chercher diminuera tes chances de reconstituer l'Epée.

— Ils n'ont pas parlé du manche de l'Epée, à télé, intervient Evan, qui soupçonne, tout comme moi, les humains de nous l'avoir dérobé.

— S'ils l'avaient en leur possession, ils en auraient informé leurs comparses via la télévision, renchérit Kyra.

— A en juger par leurs caméras, ils pouvaient sans l'ombre d'un doute nous observer les voir débattre, craché-je. Il est évident qu'ils n'aborderaient pas le sujet devant nous.

— Sauf votre respect, ils ne pouvaient pas prédire que les ancêtres que vous êtes allumeriez une télévision, me contredit Evan. Fils du diable, nous sommes des rats de laboratoire enfermés dans une cage aussi grosse que la Terre. Le mieux à faire serait de décamper avant qu'ils ne pointent le bout de leur scalpel.

— Nous ne pouvons pas nous permettre de quitter cette cage sans le fragment, raisonne Kyra. Or, la recherche d'Ecclésia retarderait celle du manche de l'épée. Plus nous resterons ici, moins nos chances de passer entre les mailles du filet seront importantes. Ils n'ont peut-être pas de pouvoirs, Alicante, mais ils ont la science.

Un silence de mort conclut leur discours. Sur la même longueur d'onde, ils tournent alors la tête vers moi, en attente du feu vert. Halluciné, je les détaille tour à tour.

— C'est une plaisanterie ?

— N'est-ce pas la raison de ta présence ici ? s'agace Kyra.

— Pensez-vous sincèrement que j'obtempérerai ? Que je tournerai le dos à Ecclésia ? soufflé-je, un sourire à moitié fou s'étirant sur mes lèvres. Vraiment ?

— Ecclésia ne nous est pas indispensable, déclare Kyra. Et puis, entre nous, je doute que Sa Majesté accepte que cette abomination pose son arrière-train sur l'un de ses trônes. Alicante, pense à la fierté sans borne que tu éveillerais en lui. Tu sembles comme... l'avoir oublié, murmure-t-elle en secouant la tête. Tant de souffrance, de tortures et de sacrifices encaissés dans l'espoir de recevoir ce qu'il ne t'a jamais offert... Pourtant, tu tergiverses. Et pour quelle raison ? Pour une créature que les Lumineux eux-mêmes ont rejetée ! Est-ce cela que tu veux à ton bras ? Toi, le légendaire Prince Obscur ?

— Le temps nous est compté, fils du Diable, rappelle Evan en s'approchant et en tapotant son poignet par à-coups. Fierté, ou mort.

Il esquisse un pas, un autre, et ainsi de suite, décrivant un cercle autour de moi. Chaque enjambée se calque sur les cliquetis imaginaires de sa montre imaginaire. Kyra, dont le regard hypnotise, agrippe le mien. Inébranlable, à quelques centimètres seulement de son visage, elle me regarde fixement tandis que les secondes s'écoulent.

— Le temps presse, souffle-t-elle.

— Après tout ce que nous avons traversé... murmure Evan, qui continue de nous tourner autour.

Mon esprit s'engourdit, mon cerveau s'enlise dans une vase de confusion désagréable. Désappointé, je cille frénétiquement, jusqu'à ce que Kyra m'attrape les avant-bras et me maintienne ancré dans l'instant. Incapable de m'intéresser à autre chose qu'à ses iris obsédants, je reste sur place, prisonnier de son regard incisif, à la merci des tics et des tacs de l'homme complice. Il fait chaud, très chaud. De grosses gouttes de sueur s'amoncellent sur mon front.

Un bruit de verre brisé retentit derrière-moi. Je tressaute et m'écarte d'un nouveau pas, provoquant la chute d'autres récipients. Mais à la seconde où Kyra pose ses mains fines sur mes épaules, mes muscles se détendent et mes ailes se rétractent.

Cœur de flamme (Tome 2)Where stories live. Discover now