Âme orpheline ?

1.5K 220 123
                                    

PDV ALICANTE

Ce n'est pas un bon jour.

Mais si je m'applique à suivre cette logique imparable, ce n'est pas non plus une bonne semaine, ni une bonne année ou même un bon siècle. Mon existence n'est qu'un véritable fiasco s'étalant de ma conception à l'instant T. Maintenant, allongé parmi des débris de taules, de briques, de chairs et d'os Humains, je réalise que le Général a fait sauter Ecclésia. Qu'elle ne reviendra jamais, et que ce mal me dévorera éternellement. 

Si je ne m'évapore pas comme Kyra.

Je roule sur le dos de façon à observer le ciel. Le nuage opaque qu'a créé l'explosion m'empêche d'en percevoir le bleu. Bien que ma raison soit convaincue du contraire, Ecclésia ne peut pas avoir disparu. Je le sentirais. Tout comme je suis capable de sentir lorsqu'elle est en danger ou lorsqu'elle éprouve une émotion intense. A moins... à moins qu'il ne s'agisse de ce fameux mal, le déni, dans lequel les êtres capables de ressentir des sentiments Lumineux se vautrent aveuglément. 

En dépit du large trou creusé par une barre de fer dans mon abdomen, je m'assois dans la suie. D'un geste ferme, j'attrape la barre et la dégage de mon corps. Le sang gicle à grands jets. Mais le processus de guérison ne devrait plus tarder. Lentement, je me hisse sur mes jambes. Le poids de mes ailes manque de me faire trébucher, tant mon tibia a été amoché. J'entreprends d'avancer un pied sur le macadam, puis un second. 

Une roche s'écrase sur mes orteils à vif. Je me tends sous l'effet de la douleur et chute comme un bambin. Je suis à bout. Et bien que je sois physiquement capable de me relever, je suis mentalement incapable de rebondir.

Mes espoirs sont partis en fumée.

-              Ecclésia ! hurlé-je à pleins poumons.

Ma voix se perd dans le silence. Les échos eux-mêmes désertent le champ de bataille pour mieux me laisser sombrer dans la solitude et le désespoir. Au bout d'un temps, je me relève, marche et remarque une main. Prolongée par cinq doigts fins à moitié écrasés par un boulet de canon. Je me tétanise. Cette main n'était-elle pas rattachée à un bras et à une épaule parfois fouettés par une longue chevelure bleue ? Et ce fémur, là-bas ? Et ce tibia ?

Impossible de penser à autre chose.

Et lorsque ma vue commence à se brouiller, mes doigts à vibrer et mon corps à rougeoyer, je ne fais aucun effort pour contenir la haine qui menace de flamber.

-              Du nourrisson au vieillard comateux, je n'omettrai personne ! Je vous détruirai autant que vous nous avez détruits !

La pointe d'une flèche déchire le brouillard et se fiche entre mes côtes. Repoussé par la puissance du tir, mon dos heurte une roue en caoutchouc. Éberlué, j'avise la tige en argent sertie de plumes blanches.

Cette flèche ne peut appartenir à personne d'autre.

Je lève les yeux. Des bottes immaculées atterrissent devant moi, m'imposant la vue du pantalon blanc serré qui moule des jambes anormalement musclées. La surprise m'en fait presque oublier ma position de soumission.

-              Tu m'avais manqué, ironisé-je.

-              Navré de ne pouvoir en dire autant, Prince Obscur.

Avec un soupir, je me force à défier son regard aveuglant. Ainsi planté par son arme fétiche, je ne vaux gère mieux qu'un moucheron teigneux. Le Lumineux a enfin le pouvoir de m'observer de haut.

Un truc de Dieu de la Guerre, je suppose.

-              Comme je me consume à l'idée de mettre fin à nos difficultés. Il suffirait d'une flèche plantée dans l'un de vos yeux maudits pour affaiblir drastiquement les troupes du Mal. Qu'un seul geste pour rétablir la Justice et clamer le triomphe du Bien.

Cœur de flamme (Tome 2)Where stories live. Discover now