Le débat

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PDV Ecclésia

Un plateau télévisé.

L'image de cinq Humains apparaît à l'écran. L'un, assez jeune, arbore une longue blouse blanche cachée par le rebord d'une large table en verre. Un autre est habillé d'un uniforme kaki. Un militaire, à n'en pas douter. À ses côtés, végètent un moustachu rondouillard et un individu tripatouillant une cravate satinée. L'élément le plus important – à en juger par sa position centrale autour de la table -, une femme d'âge mûr, trie de petites feuilles cartonnées devant elle. Une journaliste.

À chaque fois que la caméra s'attarde sur l'un des participants de l'émission en direct, le nom et la profession de celui-ci s'affichent. Un petit micro est incrusté dans le revers de leurs vestes.

Tous portent un médaillon couleur or autour du cou ainsi qu'un écouteur enfoncé dans une oreille.

Un brouhaha improductif persiste sous le regard las de la journaliste.

— Messieurs ! Un peu de civisme, je vous prie !

Le silence retombe.

— Laissons la parole au docteur Embry, chercheur au sein du Grand Laboratoire de recherche d'Europe, prix Nobel de Physique et de biochimie, le présente-t-elle en faisant pivoter sa chaise en direction du concerné.

Lorsque la caméra se focalise sur le docteur, mon sang ne fait qu'un tour. Celui d'Alicante se met à bouillir, surchauffant sa peau et alertant les nombreux thermorécepteurs qui sensibilisent le bout de mes doigts.

— Merci.

La même voix, en moins... mécanique.

Le verre de ses grosses lunettes réfléchit la lueur des projecteurs, à tel point que la couleur de ses yeux est invisibilisée. Les autres hommes se tournent de mauvais gré vers celui qui s'apprête à monopoliser l'antenne.

— Bien. Où en sont vos recherches à propos des individus quelque peu... hors du commun ?

Le militaire lâche un grognement qui surpasse le cliquetis des multiples médailles qui pendouillent de sa veste. Les cheveux noirs coupés à ras, à la manière d'une balayette qui surplombe son crâne luisant, renforcent la sévérité qu'inspirent sa mâchoire carrée et ses petits yeux noirs.

— En bonne voie, déclare-t-il en jetant un bref coup d'œil à l'intérieur du médaillon qu'il porte autour du cou. Voyez-vous, peu avant le début de l'émission, mon équipe et moi-même avons eu la chance d'assister à une scène enrichissante par le biais de nos caméras. Nous sommes désormais en position de confirmer nos suppo...

— Foutaise ! hurle le Général Melvin – d'après le bandeau – en frappant la table du poing. Tout ce qui peut vivre peut aussi crever !

Les veines qui innervent les muscles de son cou se gonflent de mécontentement.

Pelletier, l'homme politique au costume et à la cravate hors de prix, soutient les propos du sauvage à l'aide d'un vif hochement de tête. Victor Neuville, quant à lui, historien moustachu, se contente de soupirer d'un air résigné.

La journaliste lève la main en signe d'apaisement avant de s'adresser une nouvelle fois au scientifique.

— Je disais donc que nous sommes désormais en position de confirmer notre supposition : ces individus ne sont pas humains. Les cheveux blonds recueillis dans le lavabo du motel présentent un ADN d'une cinquantaine de chromosomes, soit quatre de plus que ceux qui composent le génotype Humain. Ces chromosomes contiennent une centaine de gènes inédits, qui dotent son propriétaire d'une énergie cellulaire suffisamment importante pour produire de l'électricité. Son matériel génétique confirme la nature de son sexe, masculin. Il nous informe également que cet individu possède mille fois plus de neurones qu'un Humain lambda, qu'il est immortel et que ses deux iris sont tapissés d'une fumée noirâtre qui semble lui conférer une étroite affinité avec l'Obscurité. Elle serait toutefois assez fine pour ne pas gêner sa vue, d'ailleurs cent fois plus précise que la nôtre.

Cœur de flamme (Tome 2)Where stories live. Discover now