2 - Souvenirs Etranges

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Quand mes yeux s'ouvrirent enfin dans la réalité, le haut de mon corps se redressa immédiatement. J'avais pris une grosse inspiration, comme si on avait essayé de m'étouffer durant mon sommeil. Mon visage, non, mon corps tout entier était en sueur. Je repris doucement mon souffle et essuya mon visage à l'aide de mon t-shirt.

J'ai par la suite pris mon téléphone, afin de regarder l'heure. Cinq heures cinquante-cinq, mon réveil ne sonnera que dans une petite demi-heure. Je ne pris pas la peine de me recoucher, j'avais beaucoup trop de mal à me détendre.

Je me dirigeais vers la salle de bain et m'installais devant le lavabo. Dans le miroir mural qui se trouvait au dessus de celui-ci, j'observais mon visage. Je ne me reconnaissais plus, l'homme soigneux du passé n'existait plus. Ma barbe, qui était autrefois rasée de près, cachait le creusement de mes joues. Le manque de sommeil et de nutrition avait vieilli ma peau, je donnais l'impression d'avoir dix ans de plus.

J'ouvris le robinet d'eau froide et joignis mes deux mains, afin que l'eau s'y remplisse. J'approchais mon visage du lavabo et envoya l'eau sur celui-ci à plusieurs reprises. Je pris la serviette de bain qui se trouvait sur ma gauche, afin d'essuyer mon visage. J'ouvris ensuite le placard qui se trouvait sur le miroir et pris une petite boite orange au bouchon blanc. La couleur n'étant pas opaque, on distinguait très clairement les cachets se trouvant à l'intérieur.

Des antidépresseurs, que je prenais depuis pas mal de temps maintenant. Une dépression plus ou moins inévitable, en ayant la mort de plusieurs adolescents sur la conscience. Avant que Joyce disparaisse, j'avais diminué l'absorption de ce poison. Elle savait m'apaiser, elle était le pilier qui me permettait de garder les pieds sur terre. N'étant plus là aujourd'hui, je me retrouvais seul avec les démons du passé et cette drogue pour oublier.

Après avoir pris ma tondeuse, je décidai d'arranger ma barbe. Je mis un sabot à celle-ci et l'alluma. Je commençai en dessous du menton, puis enchaînai avec le côté gauche de la mâchoire puis le droit. J'observai ensuite le résultat, je commençai à reconnaître doucement l'homme que j'étais un an auparavant.

Je partis dans ma chambre, dans laquelle je traînais rarement. Je ne supportais plus de voir ce grand lit vide, de ne plus sentir l'odeur du parfum fruité que dégageait Joyce. Le temps, le lieu semblait vouloir l'oublier, mais moi je ne pouvais et ne voulais pas.

Une fois prêt, je descendis à la cuisine. Je pris un petit déjeuné, afin de pouvoir récupérer des forces. Les premières bouchées avaient du mal à passer, mais le goût agréable de cette nourriture que j'avais oublié, me poussa à continuer. Le ventre plein, je mis la vaisselle dans l'évier, sans vraiment prêter attention au foutoir sur le plan de travail. Vivant un peu comme un légume à cause des antidépresseurs, j'entassais tout à droite et à gauche.

J'étais en train de faire de la maison, que j'avais toujours voulue, un taudis. Mais cela m'était égal, je pris les clefs de ma voiture et sortis. Je n'avais pas mis le pied dehors depuis plusieurs semaines. Vivant dans le noir complet, car je n'ouvrais plus les volets de chez moi, mes yeux mirent du temps à se faire à la lumière du jour.

Le contact du soleil levant sur mon visage me fit un bien fou, je sentis un petit sourire se dessiner sur mon visage. J'avais oublié à quel point une matinée ensoleillée pouvait faire du bien au moral. J'avançais jusqu'à ma voiture, qui était couverte de poussière. Je pris le temps de regarder autour de moi et j'observais au passage ma maison. On avait l'impression que les propriétaires l'avaient désertée et laissée à l'abandon.

Pendant six mois, j'avais totalement baissé les bras, sans rien faire pour remonter à la surface. Il était temps pour moi de forcer le destin et de découvrir la vérité. Je montai à l'intérieur de ma voiture, qui était comparable à une épave et mis le contact. Il me fallut tourner la clé à plusieurs reprises avant que le moteur se mette à gronder. Je quittai la résidence en sentant sur moi, une multitude de regards curieux m'observant.

Deux cent quarante miles et presque quatre heures de route m'attendaient. J'empruntai la route 10 pour rejoindre la 49 en direction de Leesville, mais étant chanceux de nature, des travaux causaient des bouchons sur les deux routes.

Bloqué sur la 190 qui menait à la route 49, je pris le temps de passer un coup de fil à mon petit frère, afin de lui faire part de ce que j'étais en train de faire. Travaillant lui aussi dans la police depuis cinq ans maintenant, je savais qu'il dormait encore et que j'allais tomber sur sa messagerie.

— Allo Carl, c'est Nate... Je me doutais légèrement que tu ne répondrais pas à mon appel, mais je pense que c'est préférable ainsi. Je tenais à te prévenir que je partais à la recherche de Joyce, je suis persuadé qu'elle est encore en vie. J'ai trouvé une maison abandonnée du côté de Leesville, je vais m'y rendre aujourd'hui, je suis même déjà sur la route, riais-je doucement. Ne cherche pas à me rejoindre Carl, on ne sait pas si l'endroit est sûr, mais si tu n'as aucune nouvelle de moi dans plus de vingt-quatre heures, envoies une équipe.

Sans même lui dire au revoir, je coupai court et éteignis le téléphone. Je connaissais mon petit frère, un fossé s'était creusé entre lui et moi depuis bien longtemps. Cependant, malgré ça et l'enfance désastreuse que nous avions passée de famille d'accueil en famille d'accueil, faisait qu'on était toujours présents l'un pour l'autre.

Lui comme moi n'avions aucun souvenir de notre vie avant notre arrivée dans un foyer catholique. Un policier nous avait trouvés mon frère et moi entre la vie et la mort dans un bois. Personne n'avait lancé d'avis de recherche signalant la disparition de deux enfants ayant six et huit ans. Nos âges et nos prénoms étaient les seuls souvenirs que j'avais. Un nom de famille nous avait été donné à mon frère et moi à notre arrivée dans le foyer.

Après un an, notre première famille était venue nous chercher. Nous avions passé uniquement huit mois chez eux, mon attitude faisait qu'ils ne voulaient pas nous garder plus longtemps. Ils auraient voulu garder mon frère, mais étant trop jeune, le foyer s'opposait à notre séparation. Quelques mois après notre retour, une femme était venue à notre rencontre. Après plus de dix-huit mois, la vieille femme était partie en hôpital psychiatrique. Elle disait que je lui voulais du mal, qu'elle savait que j'allais la tuer et que j'étais le mal en personne.

Cet épisode de ma vie m'avait vraiment traumatisé. Les sœurs avaient essayé de me rassurer en me disant que cette femme était malade et qu'elle ne pensait pas ce qu'elle disait. J'avançais à vive allure en direction de Leesville, me plongeant dans le peu de souvenirs qui me restaient de mon enfance.

***
Voici le deuxième chapitre de connexion j'espère qu'il vous a plu.
Qu'avez vous pensé du chapitre ?
La décision de Nate ?
Son enfance ?

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