Nos Heures Dorées

1 - Maudite jusqu'au crépuscule

- Bordel.

Je regarde pour la quatrième fois mon téléphone en moins de 2 minutes. Ce foutu train est en retard ! Pourquoi le seul jour où je décide de prendre ma vie en main, il faut que ce foutu train soit en retard ? Enfin « prendre ma vie en main » c'est le beau mensonge que j'ai dit à Nico avant de quitter la ville. Mensonge inutile puisqu'il doit déjà connaître la vérité.

J'ai fui. J'ai beau avoir un fort caractère, je n'ai aucune confiance en moi et je n'arrive pas à affronter les conséquences de mes actes. C'est comme la fois où j'ai volé des bonbons avec Nico dans le magasin de Monsieur Harris, qu'on s'est fait chopper et que j'ai accusé Nico de m'avoir entraîné là-dedans : à 11 ans j'étais déjà une menteuse et traîtresse.

Pourquoi j'ai fui ? Parce que j'ai détruit 25 ans de la vie de mes parents en brûlant accidentellement leur librairie. J'insiste sur le « accidentellement » car on fait pas mal de connerie quand on est en colère, non ? Dans tous les cas mes parents n'ont pas apprécié et je suis partie en douce juste avant les représailles.

- Ah enfin !

Le train arrive sur le quai désert dans le plus grand des calmes afin de ne pas brusquer les passagers en train de dormir. Le train de 5h – arrivée 10h à Solistis, capitale magique, est le seul train disponible aussi tôt, le seul à passer par la campagne profonde du pays et surtout le seul dont le ticket coûte un rein.

Je trouve facilement une place seule près de la fenêtre, mets mes écouteurs et me prépare à dormir pendant ce long trajet vers mon nouvel avenir.

[...] 

Hum...

Je sens que l'on me secoue.

- Mademoiselle, on est arrivé.

Beuh... j'ai bavé. Très classe. J'attrape mes affaires et jette un rapide coup d'œil par la fenêtre : il pleut. Et je n'ai pas de parapluie. On ne peut pas rêver mieux...

En sortant du train, un homme me dit « Bienvenue à Solistis ! Capitale du soleil ! » et ni une ni deux j'expire bruyamment afin de lui faire comprendre que sa salutation n'est clairement pas appropriée surtout pour des voyageurs ayant passé 5 heures confinés dans un train.

- Vous devriez changer d'attitude jeune fille, vous pourriez vous faire maudire par des gens peu enclins à votre mauvaise humeur.

Je ne pensais pas que les citadins étaient si chiants. Je le regarde en levant un sourcil avant de me diriger vers la sortie de la gare. Le ciel s'assombrit à ma sortie et il pleut plus violemment, j'ai à peine le temps d'apercevoir un café en face de la gare et de m'y rendre que je suis déjà trempée ! Je me pose quelques minutes, commande un thé à la menthe et déroule une carte de la ville afin d'établir mon plan « nouvelle vie ». Pas de chance, elle a aussi pris la pluie mais est toujours partiellement lisible.

Bon. Je n'ai pas beaucoup de choix, je vais devoir trouver un travail et vivre sur mes économies, ça devrait être simple non ?

- Votre thé à la menthe, ça fera 15lis s'il vous plait.

- Euh ce n'est pas un peu cher ? fis-je remarqué en posant les pièces sur la table.