Nos Heures Dorées

7 - Jeu dangereux

* toc toc toc *

Ma tête...

*TOC TOC TOC*

- QUOI ?!

- Bouge Kat ! me crie Marcus de l'autre côté de la porte, je n'ai pas que ça à foutre de t'attendre !

Quoi, il est déjà 10h ? Je tente de me lever et aie... je n'ai pas bu plus qu'aux soirées du village alors pourquoi j'ai la gueule de bois ? Ah oui. Je n'ai pris qu'un déjeuner hier. C'est surprenant, moi qui suis gourmande il est rare que j'oublie de manger.

Je me douche et m'habille en quatrième vitesse et retrouve Marcus qui aurait l'air frais s'il ne se trimballait pas ce foutu air blasé en permanence.

- On va s'entraîner au sous-sol. Je t'aurai bien amené sur le toit mais Azrim n'autorise personne à passer par ses appartements à part Silver.

Je le suis dans la cave, sombre mais assez spacieuse pour un entrainement. Marcus m'explique l'entrainement et qu'avec lui je ne travaillerai que les techniques de combats/défenses au corps à corps.

- Pourquoi pas la maîtrise de mon pouvoir ?

- C'est Azrim qui va s'en charger, me répond-il, Orion aurait dû le faire mais Azrim a déclaré devant tout le monde que « Orion est un gamin indiscipliné et trop faible pour cette tâche », il boude dans son coin maintenant.

Quel gamin. Et Mery m'a dit qu'il était plus vieux que moi, ben voyons.

Nous commençons l'entrainement et je dois avouer que Marcus ne me ménage pas. Ma condition physique a bien diminué depuis la fin du lycée et je le ressens : je suis faible et si je ne l'avais pas été j'aurai pu me débattre face à Helyon. Je me mange 2-3 coups avec violence mais je ne rechigne pas, ma force est ma détermination et même si j'ai tendance à fuir je vais devoir m'habituer à ce genre d'entrainement pour remplir ma mission.

Après trois heures non-stop d'entrainement, Marcus s'assoie, me jette une bouteille remplie d'un liquide vert et me dis « Bois ». J'attends qu'il entame la sienne pour avoir la certitude qu'il n'y ait aucun danger et je bois à sa suite.

- C'est quoi ?

- Une sorte de déjeuner en potion. Nous les démons ne mangeons pas des plats « classiques », alors pour compenser la faim lorsque nous sommes en présence d'humains nous pouvons boire ce genre de breuvage qui fait office de repas. Je voulais que tu goûtes et que tu me donnes ton avis.

- Ça a un goût de soupe au poulet. C'est pas dégueu mais je ne dirai pas non à un vrai repas.

- Surveille ton langage. J'ai remarqué que dès que tu te détendais avec les gens, tu devenais vulgaire.

- Et alors ?

- Ça peut énerver des gens... genre Azrim.

- Et alors ?

- Tu n'as pas envie de te battre avec Azrim.

Je finis d'un trait ma bouteille. Il est temps de l'interroger.

- Je croyais que tu avais battu Azrim, dis-je avec une pointe de défi dans la voix, que c'était facile.

- Oh non ! Si je l'ai battu c'est parce qu'il a fait une erreur, sinon avec sa puissance je serai déjà mort.

- Il est puissant à ce point ?

- Pourquoi est-ce que tu crois qu'il est redouté par la communauté magique ? Certes, à cause de ses actions et missions jugées « douteuses » mais aussi par sa puissance.

Je veux en savoir plus mais je sens qu'il ne me répondra pas, à moins que je lui lance un défi.

- Je veux que tu me racontes ton combat avec lui. Je sais que tu vas dire non mais on peut faire comme hier, jouer pour une réponse ?

J'ai piqué sa curiosité. Il réfléchit quelques secondes et me propose un défi, « Si tu arrives à me renverser par terre une seule fois, je répondrais à 2 questions ».

J'accepte. Nous nous lançons dans une série de combats épuisante où j'ai du mal à prendre l'avantage. Mais je suis déterminé ! Au bout d'une heure, j'arrive enfin à le mettre au sol, petite fierté même si lui semble 10 fois moins fatigué que moi.

- Mon combat avec Azrim. C'était il y a 6 ans, je crois qu'il avait pile 20 ans à l'époque du coup. Il venait de... prendre son indépendance de son maître, on va dire ça comme ça. Il s'était fait une solide réputation en tant que mage sombre auprès des mages mais surtout des démons. On voulait tous se mesurer à lui mais beaucoup avaient abandonné. Il était fort pour anticiper les mouvements, les esquiver et répliquer violemment à coup de sortilèges et potions. J'ai tenté de le battre mais je sentais qu'il était trop fort. Et puis j'ai eu un coup de chance. Mon dernier assaut sur lui a brisé son masque, très peu mais juste assez pour que je vois clairement ses yeux, et je l'ai piégé. Mon pouvoir est basé sur le contact visuel et en me plongeant dans son regard j'ai perçu sa fragilité et je m'en suis servi contre lui. Mais ce que j'ai vu dans sa tête, dans ses souvenirs, m'a fait arrêter le combat. J'ai gagné mais je ne l'ai pas tué, je l'ai aidé à se relever et depuis je le suis de loin, pour voir comment il va évoluer.

Je ne regrette pas de m'être pris autant de coups. Ce que je viens d'apprendre vaut beaucoup mais me fait me poser encore plus de questions sur Azrim. Mais une question me brûle les lèvres depuis hier :

- Quel est le prénom d'Azrim ?

- Je ne peux pas répondre à cette question.

- Pourquoi ?

- Son prénom, c'est sa vraie identité, ce qu'il essaie de cacher au monde et qu'il ne révèle qu'à sa famille. C'est ce qui le sépare de l'horreur, du mal qui le ronge chaque jour au crépuscule. Ce n'est pas à moi que tu dois poser cette question, mais à lui.

Je ne sais pas comment interpréter ces mots. Plus j'y accorde du sens, plus j'ai l'impression de m'éloigner de l'image que j'ai du mage sombre.

*AAAAAAAARGH !*

Un cri sourd et violent se fait entendre, puis deux, puis trois. Je me retourne vers Marcus qui regarde le plafond avec une pointe de tristesse. Il ferme les yeux et les ouvre après le dernier cri.

- Qu'est-ce que c'était ?!

- C'était lui.

Azrim ? Ces cris de douleur ?

- Pourquoi tu n'as rien fait ?

- Silver s'en occupe déjà, c'est son travail. Et puis je n'ai pas accès à ses appartements, je te l'ai déjà dit. Sur ce, reprenons l'entrainement.

J'ai appris beaucoup trop de choses pour les garder pour moi. Je dois en parler à Helyon, même si cela ne m'enchante guère de revoir l'homme qui a failli me tuer.

[Deuxième correction - 14 juin 2018]