Le sang sombre : Adrien

Prologue

Il était une fois, au nord du continent de Lana un royaume de glace du nom de Fried. Bordé de rivières gelées au sud, et d'immenses montagnes blanches au nord, il paraissait parfaitement imprenable, ce qui était vrai.

Depuis quatre cent longues années le royaume demeurait invincible, et nul ne pouvait se targuer d'être plus fort que Fried, car sitôt qu'un adversaire entrait sur ce territoire, les soldats endurcis du royaume piétinaient sans hésitation ni crainte l'ennemi, ainsi était ce pays brillant de gloire.

Tout au nord du royaume se trouvait un gigantesque château dans lequel demeurait la famille royale, celle-là même qui fut à l'origine de la création du royaume. Le bon roi Cédric avait deux fils, des jumeaux, Adrien, qui était l'ainé, et Loki, le cadet. Ils furent tous deux élevés par des nourrices différentes, afin de leur donner un caractère bien distinct.

Ainsi, Adrien était la bonté et la générosité incarné, alors que Loki était plus méfiant et réservé. Depuis sa plus tendre enfance, on avait appris à l'ainé à aider son prochain, on voulait lui donner la meilleure éducation morale qui soit, car il allait devenir le roi.

Quant à Loki, il apprit tout ce qu'il fallait savoir sur la religion, puisque destiné à devenir le premier prêtre du royaume. Lui et son frère formaient ainsi un binôme d'une grande perfection, c'était là l'objectif de la famille royale, qui voulait accroître davantage son prestige et sa grandeur.

La beauté de ces deux personnages était telle que tous les jalousaient, aussi bien les hommes que les femmes, car avec leur peau pâle, leurs yeux d'un bleu clair plus pur que le ciel le plus dégagé, et le blond encore plus éclatant que le soleil de leurs longs cheveux, ils attiraient à eux beaucoup de personne.

Mais Alors qu'Adrien, conscient de sa beauté, faisait tout pour l'amoindrir, Loki lui en profitait bien, s'octroyant les meilleurs alliés, quitte à perdre sa vertu. Et sa vertu, il l'avait cédée à la première femme importante qui s'était présentée à lui. Et il ne faisait que très peu de cas de ce que l'on disait de lui : le pouvoir lui importait, pas la réputation.

Pourtant malgré ce sombre commerce, Adrien aimait beaucoup son frère, il était la personne la plus chère à ses yeux, et chaque fois que ce dernier faisait une bêtise, il prétendait être le coupable, afin de lui épargner une punition. Il se sacrifia toute son enfance pour le bien-être de Loki, et ne se souciait de rien d'autre que de son bonheur. Si seulement cela avait été réciproque, il aurait été le plus heureux des hommes sur terre.

Hélas, un jour le roi Cédric mourut d'une terrible maladie, qui l'avait complétement défiguré, rendu boiteux et incapable de prononcer le moindre mot. Ses nobles fils étaient alors dans leur vingtième année, et au bout de quelques jours, l'ainé fut sacré roi, et accéda au trône. Malheureusement pour lui, son règne n'allait durer que trois jours.

En effet, la jalousie de Loki ne faisait que s'accroitre avec le temps, car il allait obtenir une fonction qu'il ne désirait pas. Tout ce qu'il voulait, c'était devenir roi, il avait sacrifié tant pour y parvenir, et à présent, il ne laisserait pas passer sa chance.

Dans cette optique, il avait entrepris d'apprendre les arts de la magie noire, et quand le moment fut venu pour Adrien de monter sur le trône, il vint dans sa chambre après avoir passé trois jours enfermé dans une cave où il avait l'habitude de pratiquer sa magie sur des prisonniers. Leurs cris en déchiraient presque les murs de leur cellule, mais qui pouvait blâmer le sorcier, réputé immortel et d'une cruauté sans égale ?

Alors, il se pencha sur son frère pour, avait-il prétendu, l'ausculter, car il avait cru déceler un problème de santé. Et comme Adrien lui accordait une très grande confiance et lui savait un talent de guérisseur, il le laissa faire.

Alors, le traitre plongea au plus profonde de son ventre une dague à la lame effilée. Puis ce fut le noir total. Tout ce que pu entendre Adrien fut la malédiction prononcée par Loki, une malédiction de profonde haine, qui le condamnait à ne jamais atteindre la lumière.

Puis, le roi ferma les yeux, blessé dans son corps et dans son âme. Alors que son noble sang rouge s'étalait sur son lit, il émanait une brume noirâtre du sorcier penché sur lui, qui se répandit rapidement sur son corps, s'insinuant dans ses narines, sa bouche ouverte et ses oreilles. Jamais cette malédiction ne le quitterait, jamais elle ne faiblirait, elle le remplirait de haine, autant de haine qu'il avait d'amour autrefois. Tel était le sort réservé au bon prince Adrien, naguère si aimé de son peuple.

Parce que cela était la volonté du sorcier, et parce qu'il est coutumier en ce monde que les personnes aimables disparaissent brutalement. Mais cela, le roi n'avait pas voulu l'entendre, et il en subissait les terribles conséquences.

Si seulement tout c'était arrêté là pour lui, il aurait eu une vie heureuse presque jusqu'au bout.