Chapitre 5 : Le livre bleu, chapitre II

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Au commencement, le monde des hommes était vide de vie, mais aussi de sens. De titanesques montagnes, de douces collines, de grands océans et des rivières à foison recouvraient la terre, sans rien pour les peupler.

Puis un jour, une forme de vie mystérieuse apparue, et avec elle la plupart des animaux que l'on connait à Lana. A quoi ressemblait cette forme de vie ? Nul ne le sait, et qui donc cela peut-il intéresser ? Personne assurément, car c'est le présent qui nous intéresse.

Certains de ses représentants avaient des ailes, d'autres non, et cela allait changer leur destiné. En effet, il restait sur la terre un peu de l'eau de l'océan primordial d'où sont nés les mondes, et les êtres qui vivaient sur la terre se trouvaient inexorablement attirés par elle.

On en trouvait dans les cieux, et dans de gigantesques cavités sous la terre. Alors les êtres ailés volèrent jusqu'à l'eau prisonnière en haut, et ils la burent. En un instant, ils devinrent ce que nous appelons des dieux. En partie éternels, ils dirigeaient ce qui composait la nature, chacun avait son rôle.

Quant aux autres, ils burent une grande partie de l'eau de la terre, et aussitôt, ils grandirent de manière démesurée, acquérant une force et une résistance au-delà des limites humaines. On les appela géants primordiaux à cause de leur aspect et de leur extraordinaire force.

Ni les dieux ni les géants ne s'adressaient la parole : chacun avait un orgueil bien trop grand, et refusait de parler à l'autre. Alors les dieux bâtirent une cité dans le ciel où ils vivaient paisiblement, et les géants, moins habiles de leurs mains, se contentaient de s'abriter dans les forêts et dans les grottes suffisamment grandes pour les pouvoir accueillir.

Un jour, d'autres créatures surgirent, ceux que l'on appelle aujourd'hui hommes. Ils apprirent à construire des bâtiments solides, car leur faiblesse naturelle en faisait une proie facile, et il leur fallait à tout prix éviter la mort.

Si d'abord les géants se contentaient de les regarder au loin, ils comprirent rapidement leur potentielle utilité. Alors, ils les asservirent. Bien sûr, les hommes tentèrent de se défendre, mais cela était peine perdue : ni les lances ni les flèches ne pouvaient pénétrer leur peau, et en ces temps-là, ils n'avaient pas encore l'usage de la magie.

Les géants leur ordonnèrent alors de leur construire des villes assez grandes pour qu'ils puissent y vivre, et pendant près de cinq mille ans, les hommes en furent les esclaves, incapable de se révolter, incapable de refuser les ordres.

Mais une telle situation ne pouvait pas durer, et bientôt la révolte gronda dans le cœur des hommes. Treize d'entre eux partirent chercher les grottes dans lesquelles les géants avaient bu l'eau primordiale, espérant de toutes leurs forces y trouver une source de puissance.

Et ils en trouvèrent ! Mais pas assez pour tout le monde, cela aurait été bien trop facile. Alors, les treize burent la moitié de ce qu'il restait, et se découvrirent de grands pouvoirs magiques, des pouvoirs tels qu'on n'en retrouve plus de tels aujourd'hui.

Ils les utilisèrent afin de partager le reste de l'eau entre tous les hommes, dans une profonde égalité, de là naquit l'âme, élément lié à la fois au corps et à l'esprit, dans lequel se niche la mémoire et la personnalité de l'individu.

Cette âme permit aux hommes de maîtriser la magie, comme les dieux qui vivaient là-haut, chose que ne pouvait pas avoir les géants. Alors, les treize sages luttèrent contre leurs oppresseurs, et leurs pouvoirs percèrent leur peau, frappèrent durement leur chair, fit bouillir leur sang, et les tuèrent les uns après les autres.

Les survivants s'enfuirent dans les cavités souterraines d'où provenait leur force, et alors, les treize invoquèrent une barrière pour empêcher les génats de quitter ce qui était désormais une prison.

Libérés de cette menace, les hommes vivaient heureux, et les dieux, qui commencèrent à les craindre, redescendirent sur terre, et se mêlèrent parmi l'espèce humaine. Certains furent vénérés, d'autres vécurent en ermite. Dans tous les cas, les hommes et les dieux vécurent en paix, sans se mêler des autres.

Hélas, une terrible menace pesait sur l'humanité. En effet, la barrière qui empêchait les géants de sortir allait un jour disparaître, car le sort n'était pas éternel. Dix mille années plus tard, les géants reviendront, et alors la plus terrible des guerres éclatera, la plus meurtrière de notre histoire. Peut-être même que cette guerre arrêtera notre histoire, qui peut le prédire avec précision.

On pourrait supposer que les hommes s'en sortiront aisément, mais c'est sans compter le choix des sages. Ces derniers savaient leurs pouvoirs immensément puissants, et ne se permirent pas de les transmettre aux générations futures, car il ne faisait aucun doute que les hommes allaient un jour mal s'en servir, et plonger ainsi le monde dans le chaos.

Ainsi donc, après avoir enseigné la plus simple des bases à leurs semblables, les sages s'ôtèrent la vie les uns après les autres, faisant disparaître leur redoutable savoir.

Les hommes étaient attristés de cela, car les géants allaient tôt ou tard revenir. Alors, ils pactisèrent avec les Ames sombres, et leur demandèrent de leur laisser une chance de s'en sortir. Sans doute est-ce une grave erreur.

Il fut décidé qu'au cours de cette nouvelle ère, cinq personnes seraient choisies afin de juger l'humanité. Ces juges reviendront un an avant le retour des géants, et choisiront l'un des deux camps.

Choisir celui des hommes les privera de quelque chose, mais en contrepartie ils auront protégé l'humanité. Parmi eux, on trouvera un géant, un dieu, un maudit, un sans-âme et un relevé.

Il faudra au moins quatre d'entre eux du côté de l'humanité, alors cette dernière sera sauvée, et les Ames sombres recréeront une barrière pour les dix milles prochaines années à venir.

Mais si en revanche deux d'entre eux, voire davantage ne choisissent pas les hommes, alors les géants déferleront sur la terre, asservissant une nouvelle fois l'humanité.

A l'heure où j'écris ce livre, quatre sont déjà choisis : Thaar le honteux, premier des géants avoir perdu la vie face aux hommes, Scylla la pêcheresse, ancienne déesse prêtresse, Yaël le roi maudit, et la folle, humaine sans âme.

Le relevé n'ayant pas encore été choisi alors que les mille années sont presque entièrement écoulées me fait craindre le pire. J'espère de tout cœur que le choix sera vite fait, car l'humanité souffrira beaucoup d'un choix fait à la légère.

Le sang sombre : AdrienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant