Le sang sombre : Adrien

Chapitre 9 : Le livre bleu, chapitre III

Les Ames sombres, nées d'Astrich, gouvernaient le monde qu'elles avaient créés, et ce négligemment, car elles y avaient tout pouvoir, et s'il le fallait, elles n'auraient pas hésité à tuer quiconque aurait osé se dresser face à elles.

Les hommes qui vivaient dans ce monde, que l'on appelait les Limbes, étaient plus grands, plus forts, plus endurants, plus agiles que ceux de notre monde. Surtout, il est rare d'en voir ne pas maîtriser la magie.

Leur force est telle que nul parmi les nôtres ne pourrait les affronter sans préparation sérieuse, et il en existe des si forts que les Ames sombres leur confient parfois un titre honorifique, que beaucoup cherchent pour la gloire : celui de Roi.

Ceux que l'on appelle ainsi sont des êtres dont la force est telle qu'ils sont considérés comme faisant partis des plus puissants de ce monde, et chacun d'entre eux a pour ce titre une arme qui lui est propre, et qui fait sa renommée.

Ainsi, Gaïus le Roi bossu détient une dague capable d'ôter la vie de quiconque se coupe à sa lame, excepté son propriétaire. Loptr le Roi scolopendre use d'un arc tirant à chaque coup près de cent flèches. Hernes le Roi armure possède une épée capable de faire trembler le sol. Celle de Lore, le Roi silencieux, déchaine les vents à chaque coup. Enfin, Loïc le roi danseur a obtenu avec son titre deux lames capables de produire des flammes et un froid mordant.

En échange de telles objets, les Rois sont maudits, condamnés à mourir de la main d'une autre personne. Mais le plus terrible n'est pas tant la malédiction que ce qu'elle entraîne pour le meurtrier, car celui qui tue un Roi devient lui-même prend son titre avec sa vie, car il aura démontré sa force, du moins en principe.

Il arrive même que, quelques fois, des Rois naissent dans notre monde, mais cela reste anecdotique et fort rare, peu digne d'intérêt.

On pourrait être tenté de croire que les Ames sombres n'ont que faire de tout cela, et c'est une chose vraie pour la plupart d'entre elles. Mais il en est une en particulier qui pose un problème à notre monde, un certain Tracas, à l'apparence jeune, toujours avec un collier orné de pierres rouges autour du cou.

Ce dernier n'est pas en reste quand il s'agit de nuire aux hommes de notre monde, car il a souvent envoyé la peste, déclenché des guerres, insufflé des idées mauvaises aux nôtres. Mais tout cela de telle sorte que ces derniers sont persuadés qu'elles viennent d'eux-mêmes, sans jamais avoir vu Tracas ni même imaginé qu'il puisse faire cela.

Il a même envoyé les cinq Rois dont je parlais plus tôt chez nous, afin d'accroître notre malheur, si encore c'était la pire des choses qu'il nous ais faits.

En effet, il a en plus maudit la lune, et la condamne à prendre tous les cents ans pendant trois nuits de suite une teinte rouge. Lorsqu'elle se trouve dans cet état, ses rayons ramènent alors d'entre les morts un certain type d'individu répondant à des critères bien précis.

Pour commencer, la personne doit avoir été sous l'emprise d'une malédiction au moment de sa mort. Ensuite, sa destinée doit avoir été interrompue, mais cela ne peut se faire sans connaître son destin, ce qui suppose une intervention divine, et donc parfois celle d'une Ame sombre, Ames sombre qui s'avère souvent être celui à l'origine de la lune rouge.

Ceux qui reviennent à la vie sont appelés des relevés, des êtres particuliers, des morts-vivants altérés physiquement ou psychiquement, quelques fois les deux en même temps. Ces malheureux n'ont d'autre choix que d'accomplir leur destinée, sous peine de quoi la folie les prendra. Une fois cette destinée accomplie, le relevé se métamorphose, et redevient un vivant à part entière.

L'un d'entre eux va tout particulièrement m'intéresser sous peu. Un roi, malheureux sous bien des rapports. Je le sais, il lira ces lignes, car telle sera la demande que je lui ferai, alors il découvrira, sans doute avec horreur, sa véritable nature. Nul doute qu'il m'en voudra pour ne pas lui avoir dit plus tôt, mais j'ai mes propres raisons, et il devra bien s'y faire, car sans moi, jamais il ne pourra accomplir son destin, et sans cela, c'est la folie meurtrière qui le guette.