chapitre deux.

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ADELA DA AGÜEIRO.
madrid, 24 novembre.
"Je me rappelle de ton sourire, quand tes yeux se plissaient."

Le soleil se levait enfin, je n'avais pas fermé les yeux de la nuit, pleurant, m'étouffant dans mes sanglots. J'étais tellement triste. Mon regard s'était plongé et sans doute noyé dans les étoiles. Lentement je m'étais mise à sombrer dans la panique, dans l'angoisse et la crise m'avait emporté. J'avais insulté la mort, de tous les stupides noms que je connaissais. J'étais sur les nerfs, pouvant envoyer tout ce qui se trouvait sur mon chemin en l'air. Je devais contacter ma mère, après tant d'années sans lui parler. Lui dire qu'il était parti, et j'avais peur, j'étais terrorisée à mettre des mots sur les derniers événements passés. Alors j'allais affronter mes peurs, mes démons. J'allais enfin mettre des mots sur ce qui lui était arrivé. Éprise de mes peurs les plus enfouies je remis la tête sur l'oreiller froid, et le corps dans les couettes où une douce chaleur se propageait. Mes jambes caressaient les draps soyeux et doux, mes doigts trituraient les fluches de ma couette si chaude, et mes cheveux s'étalaient sur l'oreiller et la housse de drap. Le parfum du jasmin emplissait la chambre, ma chambre. Au loin j'écoutais déjà les klaxons des voitures, les passants espagnols et les bruits ambiants de la ville. Douce étreinte charnelle entre la mort et moi-même dans mes draps de soie. Deux plaquettes de somnifères plus tard, enfin je me voyais rejoindre l'être le plus important de ma vie, l'homme de ma vie, l'amour de ma vie. Divinement mes yeux papillonnèrent puis enfin se fermèrent sans doute pour longtemps, j'avais froid, j'avais peur mais je ressentais enfin l'adrénaline, celle qui me faisait plonger tête baissée dans les méandres de la peine. Enfin les cieux s'ouvrirent à moi.

Il n'a fallu que deux coups sur ma porte, il n'a fallu que cinq minutes, il n'a fallu que trois mouvements pour que je sois remis en vie, pour que je puisse voir ce que je souhaitais depuis quelques temps, s'éloigner loin de moi, s'atténuer, et disparaître dans un nuage de poussière. Mes yeux s'ouvrent et se referment, agressés par ce halo brûlant de lumière. Pourquoi me sauver ? Je suis vouée à mourir. Le plus tôt possible. Délivrance inachevée, je ne suis plus qu'un corps sans vie, plus qu'une âme sans joie, je ne suis qu'une simple morte sans rien, ma vie s'est éteinte. Mon sourire prend le large et je fais un simple signe de la main à mon double, à la mort, à mon père. Quand est-ce que tout s'arrête ? Il ne me manque que son sourire pour survivre, seulement son sourire. Je regarde ce plafond blanc, mes doigts effleurent le drap blanc, lui aussi, et mes yeux s'habituèrent lentement, très lentement à la lumière. Cinquante-neuf, soixante, me voilà à dévisager se plafond depuis une minutes interminable. Un, deux, trois, je déteste compter. Quatre, cinq, six, un médecin rentre enfin dans cette chambre. Sept, huit, neuf, je suis à sa place, je me souviens quand j'étais à ses côtés, lui caressant les cheveux doucement, chantant en murmurant une berceuse espagnole.

Il me manque tellement que j'ai pensé à mourir.

triste réalité d'un cœur en peine | SAÚL NÍGUEZ ✓حيث تعيش القصص. اكتشف الآن