chapitre quinze.

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ADELA DA AGÜEIRO.
madrid, 18 décembre.
"J'aimais sentir tes lèvres sur les miennes, pourquoi pars-tu ?"

Crise existentielle comme pour me rappeler que la douleur et présente, que la rédemption est vaine. Il était à Valence pour un match, et à présent une bouteille de scotch l'avait remplacé. Que penserait-il de moi ? Je ne savais même plus si mon père me manquait, ou si seulement l'absence de Saúl avait laissé un vide en moi. J'étais à deux doigts du craquage, à deux doigts du pétage de câble. Je n'en pouvais plus, j'étais déboussolée, totalement impuissante et si j'aurais été morte, je suis sûre que mon esprit serait resté pour voir mon corps démuni, désuni, totalement réduit en bouillie. L'alcool se mélangeait avec mon sang, enfin je me sentais bien, à ma place, avec mes anciens démons, ils me faisaient des signes indiscrets, des grand gestes de main et je les regardais ouvrir les bras, bras dans lesquels je plongeais sans aucun remords. J'ai oublié de vivre, le temps d'un instant j'étais redevenue cette môme insouciante, qui voyais la vie toute blanche. Mais maintenant je savais que rien n'était tout blanc, ni tout noir d'ailleurs, le monde se déclinait sous différentes échelles de gris. Et ce gris me tuait à petit feu. J'avais dans ma collection de souvenir une image de lui et je repris une gorgée. De toute façon à quoi bon rester, Saúl allait partir comme mon père m'avait abandonné. On meurt tous un jour, certains plus vite que d'autre, qu'est-ce que cela changerait si je partais immédiatement, ou attendre vingt ans ? Les gens seraient-ils tristes ? Ou n'en aurait clairement rien à faire ? Mes pensées néfastes me brisaient un peu plus à chaque seconde passait à réfléchir. Je repris une gorgée d'alcool fort. Je me posais des milliards de questions. Ivresse acharnée, voilà à quoi rimait ma soirée. Je repasser en boucle, dans ma tête, la signification du verbe « oublier », simplement des pleurs durant le jour, une danse infatigable la nuit. Rien de plus excitant, rien de plus triste. Plus rien n'atteignait mon cœur, j'étais comme perdue.

J'allais enfin retrouver tout ce que j'avais perdu, il était tard, très tard, et Madrid s'endormait enfin. S'acharnant à rester éveillée, même les plus téméraires finirent par abandonner. Talent exorbitant des jeunes qui veillaient tard la nuit, roulant sur une planche, taguant les murs des immeubles délabrés et abandonnés. Je vis avec ce qui me tue, la fatigue me dupe, je n'étais pas exténuée comme je m'acharnais à croire quelques minutes plus tôt. Je repensais à l'espagnol, mon cœur était un pendule, il oscillait entre crainte et désir. Le temps m'isolait. Je vivais dans l'éloignement des choses qui comptent le plus pour moi et qui m'environnent.
La porte claquait, je m'empressais de ranger la bouteille, mais l'échec fut grand quand je vis Saúl débouler dans la cuisine, une mine énervée au visage. Il prit la bouteille de scotch dans mes mains et la jetait dans l'évier, la brisant en mille morceaux. Je sursautais d'effroi. Et s'il levait la main sur moi ?

"Bordel, Adela, pourquoi t'as bu ?"

J'haussai les épaules, voulant hurler que je voulais combler le vide qu'il avait laissé le temps d'une soirée. Je baissais les yeux, présentant mes excuses par ce geste.

Et quand ses lèvres se posèrent sur les miennes, j'étais pardonnée.

triste réalité d'un cœur en peine | SAÚL NÍGUEZ ✓Nơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ