Esméralda

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Je me surprends à contempler le rayon des bobines de fil et des boutons à coudre. Mais qu'est-ce que je fais au milieu des aiguilles et des pelotes de laine  ? Ah oui, c'est vrai, je suis venue rencontrer cette fameuse Esméralda qui pourra m'apporter des réponses à mes questions. Mais comment puis-je la rencontrer  ? Dois-je demander directement à la femme derrière son comptoir  ? C'est terrible, mais je n'ose pas. J'attends que la dernière cliente quitte la boutique et me décide enfin à passer à la caisse, sans aucun article.

— Bon...jour... balbutié-je, je cherche Esméralda. Je viens de la part d'Oliver.

La vendeuse écarquille ses grands yeux charbonneux. Elle m'observe méticuleusement pendant que je retiens ma respiration.

— Esmée, finit-elle par lancer, c'est pour toi.

— Je me demandais quand cette jeune fille allait faire appel à moi.

Une femme apparaît par l'encadrement de la porte située derrière le comptoir. Ses grands yeux noirs encadrés par un trait de liner me scrutent tellement que j'ai l'impression qu'ils sondent mon âme. Elle avance d'un pas en faisant glisser ses longs cheveux aussi noirs que la suie entre ses doigts. Je suis tellement embarrassée que je n'arrive pas à croiser son regard et fixe sa longue robe bariolée aux motifs ethniques.

— Suis-moi, m'intime la jeune femme avec douceur.

Je me faufile derrière le comptoir et suis Esméralda me menant dans une petite cuisine. Elle se dirige vers le fond de la pièce et ouvre une toute petite porte de bois qui détonne totalement avec la salle aux murs blancs et aux meubles gris. Je passe la porte et me retrouve face à un escalier biscornu. Je monte les marches en me tenant bien à la rampe de peur de tomber avant d'arriver à la porte menant du grenier. Cette pièce n'est pas bien grande et surtout très basse. Elle doit faire à peine la hauteur de ma convive qui doit enlever ses chaussures afin de rester debout. Esméralda allume une lampe de chevet avant de prendre place derrière son grand bureau en bois massif. J'en profite pour inspecter les lieux. Ce grenier a beaucoup de cachet avec ses belles poutres apparentes qui surplombent le plafond. Seulement, peu de lumière s'y engouffre, car je ne vois qu'une seule fenêtre opaque. À part la grande table au centre de la pièce, les deux chaises assorties, le fauteuil, la commode, l'armoire et la petite lampe, aucun autre meuble agrémente ce grand grenier. Seules quelques décorations multicolores qui ornent les murs l'embellisse un peu pour lui donner un air un peu moins vide.

— Assieds-toi, je t'en prie.

Je prends place instantanément sur la chaise en face de la sienne.

— Tu connais donc Oliver  ? Comment va-t-il  ? Cela fait un moment que je n'ai pas eu de ses nouvelles.

— Je dirai qu'il va bien. Il m'a parlé de vos dons et de vos connaissances du monde séraphique.

— Je suis face à une connaisseuse, sourit Esméralda.

— Qu'est-ce qui vous fait dire ça  ?

— Tu as évoqué le terme séraphique. Je ne l'ai jamais énoncé à Oliver, pas une seule fois.

— Il peut voir et ressentir des esprits et même les séraphins, il est très sensible au monde magique.

— Exact. J'ai réussi à lui faire prendre conscience de la beauté de son don et à l'accepter avec bienveillance. Je pense qu'il a trouvé une certaine sérénité. Il aurait certainement pu exploiter ses capacités davantage, mais il n'était pas prêt. Seulement, toi, continue-t-elle tout sourire, tu es différente.

— Vous le ressentez  ? demandé-je surprise.

— Je l'ai perçu avant même que tu franchisses le seuil de la boutique. J'attendais que tu viennes à moi.

La gardienne Céleste - Tome 2 : DestinéeWhere stories live. Discover now