Érythème pudique et démarches d'évitement inutiles

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Le soir.

Mark poussa un profond soupir. Une torpeur moite ceignait son cœur doucement. Il était bientôt dix-neuf heures, sa silhouette tremblait doucement dans le feu des lampadaires hésitants. Ils gorgeaient l'air d'une lueur orangée, pénétraient délicatement sa chevelure, ses mèches emportées par le vent, le reflet timide de ses lunettes rondes. Mark marchait comme l'on marche les soirs de fatigue : ses yeux fixaient le néant, le néant qui s'affiche au-devant de soi, comme un mirage fugace, une impression irréelle et fantomatique qui autorise qui le désire à sombrer dans des rêves mielleux, le temps d'un tâche, d'une habitude, d'un retour.

La ville était calme. Bien que le calme eût toujours plu à Mark, ce soir, ce soir précisément, il prenait des proportions inquiétantes, informelles. Mark décida de n'y prêter aucune attention, prolongeait d'un air impassible son parcours dans l'obscurité profonde que seuls les éclats épars le long de la route déserte illuminaient d'une lumière incertaine.

Des fantaisies étranges liaient son regard au ciel, comme si le reflet des lampadaires dans ses yeux embués de fatigue étaient pareils aux étoiles piquées dans le ciel voilé. Mark s'amusa de cette vision, décida, presque honteux, de fendre son visage d'un sourire discret et sans apprêt. 


Mark cherche sans succès son téléphone dans la poche intérieure de son manteau.

La sonnerie fut discrète. On entendait toujours mal, dans cette aile précise du lycée, la sonnerie caractéristique et irritante qui marquait le début et la fin des cours, la brassée bruyante et bigarrée des élèves s'affairant sous les invectives impatientes des professeurs, les chaises qui raclaient à l'étage du dessus, les cris et bousculades éhontés dans les cages d'escalier vétustes.

Mark, comme à son habitude, prit son temps. Cette fois d'ailleurs, peut-être prit-il davantage de temps encore, rangea-t-il avec une minutie inhabituelle, une précision assez fabriquée, le peu qu'il sortait d'ordinaire lors des cours. Mark n'y prêta en tout cas nullement attention, car il était tout à fait absorbé, sans conscience aucune de l'application grossière et maladroite qu'il y consacrait, à cette occupation : il eut à cœur de vérifier la capacité restante du réservoir de son taille crayon qu'il n'utilisait jamais, reboucha avec une minutie théâtrale son stylo, tira la fermeture de sa troussa jusqu'à son extrémité quand il avait l'usage de s'arrêter seulement aux trois-quarts ; quelque chose, quelque chose qui échappait à Mark pour l'heure, occupait ses pensées.

Il sortit de la classe, ayant jeté d'un air vif, décidé, légèrement emprunté, son sac sur son épaule droite. Il ne sentit pas le regard intrigué de son professeur qui le voyait le dernier quitter la salle.

Alors que Mark franchissait le seuil, tout consacré à des pensées que nous tairons, celui-ci vit, dans l'encadrement de la porte lui faisant face, le garçon de tout à l'heure, qui sortait au même moment précisément de sa salle. Il échangeait encore quelques paroles affectueuses avec sa professeure, aussi son regard était détourné de Mark, qu'il n'avait pas encore vu.

Avec un empressement soudain, Mark palpa sa poitrine ; il cherchait son téléphone. Quelque chose pour perdre ses yeux. Un barre de néon eut un bref sursaut.


Précisions nécessaires relatives à l'équipement vestimentaire de Mark.

Mark se précipita. Il avait envoyé valsé d'un geste malencontreux son réveil lorsque, horrifié, il avait pris conscience qu'il était déjà sept heures et demie passées. Il enfila maladroitement, dans l'humeur moite de sa chambre, un pantalon indistinct. Une lumière naissante perçait timidement à travers les persiennes voilées de sa fenêtre. Il y avait juste suffisamment de clarté pour que Mark vît, comme des grains de sable, des particules de poussière emplir l'air, le consteller comme une immense voie lactée. 

Il ouvrit brusquement la porte d'entrée, une aspiration glaciale, vigoureuse le surprit au visage et le força à fermer pendant plusieurs secondes les yeux. Il ne s'était pas assez couvert. 

Mark glissa son téléphone dans la poche intérieure de sa veste d'hiver, une veste constituée de plusieurs pièces de jean jointes entre elles par des coutures épaisses et visibles, qui recelait des quantités de poches. Chacune était assignée à quelque chose en particulier. Parmi les différentes poches intérieures, l'une d'elles était dédiée au téléphone ; Mark l'y plaça soigneusement, après avoir longuement pesté à la vue de l'heure déjà avancée.


Mark retrouve son téléphone et évite le regard du garçon.

Puis, une fulgurance. Mark, après un mouvement de panique, un échauffement de ses joues, un emballement de son cœur, porta la main vers la poche avant de son sac. Il sentit sous ses doigts fébriles, pressés, la forme reconnaissable et distincte de son téléphone. Il le saisit maladroitement dans ses mains moites qui l'empêchaient d'utiliser bien l'écran tactile. 

Mark fit semblant d'ignorer le regard curieux, presque inquisiteur, que lui adressait le garçon qui passait lentement devant lui. Peut-être d'ailleurs ne fit-il pas semble, car Mark ne réalisa probablement pas tout de suite qu'il était ainsi dévisagé, ne réalisa pas non plus avec quelle ridicule et quelle fantaisie il construisait des manœuvres d'évitement singulières qui devaient le préserver de tout contact. Non, probablement Mark ne se rendit compte de rien ; car ses joues empourprées parlaient mieux à sa place.

Le garçon eut un sourire amusé puis pressa le pas. 

[NCT | Markhyuck] Le jeudi, de l'autre côté du couloirWhere stories live. Discover now