Sa bouche était chaude comme un morceau d'étoile

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Un jeudi.

Mark avait mal dormi cette nuit. Ses traits étaient fatigués, il ne cessait de bâiller sous le regard réprobateur de son professeur de mathématiques, mais pourtant, il ne parvenait pas à s'empêcher de sourire. En fait, Mark était heureux. Il était heureux d'avoir mal dormi ; et cette pensée en lui le surprit plus que toute autre.

Il caressait son stylo du bout des doigts d'un air songeur. Il guettait le bon moment, l'instant propice où tout se déciderait. Où les choses prendraient une voie sans retour. Une forme d'excitation le parcourait, faisait frissonner l'air autour de lui tandis qu'il exultait, au milieu de tous les autres tournés vers lui, dans une expectative un peu moqueuse, un sentiment de béatitude, sinon d'extase. Le professeur lui-même avait renoncé à rappeler son attention et le laissait désormais dériver au gré de ses pensées. Il faisait semblant de ne pas voir que plus personne dans la salle ne l'écoutait.

Mark, soudain, saisit le stylo. Il le serra fortement entre ses doigts, jusqu'à en faire blanchir les jointures. Le sang pulsait dans sa tête, au niveau de ses tempes, avec une telle force qu'il crut à un cœur autre, étranger qui s'eût adjoint au sien. Le moment approchait.


Dans la nuit du mercredi au jeudi.

Hyuck s'était d'un coup réveillé. Il n'eut pas besoin de jeter un œil à son réveil pour savoir que l'aube était encore loin. Il ne devait pas être davantage que deux ou trois heures.

La fatigue le pénétrait avec force. Ses yeux comateux peinaient à se maintenir ouverts ; pourtant, l'excitation était telle que se rendormir eût été impossible.

Il s'arrêta quelques instants. Il ne savait plus exactement de quoi il avait rêvé, mais il avait rêvé de quelque chose. De quelque chose qui lui avait plu. Plu, mais pas tout à fait. Il s'était promis de ne pas dormir, et il avait dormi. Il ricana un peu dans la nuit, d'abord tout doucement afin que personne ne l'entendît, puis se rappelant avec amertume que cette fois, il était seul, définitivement seul, il rit avec plus de force, comme pour s'empêcher de pleurer.

Il n'était pas encore descendu. Quelque part, il se demandait pourquoi il n'avait pas encore appelé. La police, la famille, quelqu'un. Il avait juste envie de calme, de se replier sur lui-même. Il y avait un effet pervers à ce qui lui arrivait. Durant quelques instants, il eut même l'envie de profiter de ce calme nouveau. De cette solitude qui lui ouvrait des centaines d'horizons. Mais il ne put supporter longtemps l'idée, car déjà la culpabilité poignait en lui. Il aurait aimé que tout cela ne soit qu'un rêve. C'était assez ironique, alors qu'il avait passé ces derniers jours, ces dernières semaines, ces derniers mois à rêver à cette réalité. A cette liberté.

Hyuck avait encore envie de croire que c'était un rêve. Mais le sommeil commençait à le quitter tout à fait, et il sentait ses mains qui le picotaient, et le souffle rauque et frais de la nuit.

Hyuck ne savait plus de quoi il avait rêvé. Tout ce qu'il savait, c'est que cela parlait d'échelle et de parapluie. Avant qu'il eût le loisir d'y songer davantage, le sommeil le reprit soudain et ses paupières s'affaissèrent sans bruit. C'était sans doute pour le mieux.


Mark croisant Hyuck le jeudi matin, avant leur cours.

Mark marchait sans se presser dans le couloir. Ce matin, il ne se pressait pas. Il avait abandonné sa démarche trop vigoureuse, trop impatiente, assez mal à l'aise, qui le poussait à marcher droit, vite et en baissant la tête. Ce matin, il cherchait Hyuck du regard, avec une certaine fierté.

Il n'eut pas grand mal à le trouver. Car Hyuck s'avançait, face à lui, plantait son regard dans le sien. Il avait l'air fatigué. Epuisé. Mark se demanda s'il avait fait le même rêve que lui, cette nuit. Il repensa à son carreau cassé, au stylo qu'il avait jeté, comme ça, la veille, sans réfléchir, et il se retint de rire.

[NCT | Markhyuck] Le jeudi, de l'autre côté du couloirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant