Se brûler les ailes

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Mark revenant timidement à son ours.

En réalité, Mark n'avait pas eu le courage. Aussi, dès qu'il avait quitté la buanderie, claqué la porte comme pour donner plus de force à sa décision, il s'était trouvé la proie d'un remords très grand, presque insurmontable. Alors, ayant considéré la fuite, il choisit plutôt de faire demi-tour et ouvrit la porte avec discrétion comme pour ne pas contredire l'énergie qu'il avait engagée dans son départ. 

Il s'assit sans un bruit sur le béton brut du sol. De petites gouttes formaient des dessins près de ses pieds. Il résista avec grande fierté à la tentation d'y glisser son chausson.

Et tandis qu'il se tortillait encore sur le sol, en prenant soin de ne pas regarder en l'air, vers le fil où était suspendu son ours, la porte s'ouvrit avec encombrement ; des mains chargées d'une grande bassine où s'entassaient des morceaux de tissus froissés et indistincts.


Danger.

L'ours ne séchait pas assez vite. La fonte diffusait une douce chaleur et sa mère, attentive, avait placé juste devant, mais suffisamment éloigné pour qu'il ne souffrît pas de la température, un petit coussin sur lequel Mark s'était docilement placé. Il surveillait, avec une bienveillance maternelle, l'ours qui séchait doucement ; plus vite espérait-il ; toujours très indécis quant à l'attitude à adopter.

Plusieurs cierges étaient allumés sur un petit meuble en bois qu'on ne distinguait qu'à la lueur faiblarde des flammes dans la pénombre maladroite. Le temps était morose au dehors. Il s'approcha doucement, à tâtons, comme s'il eût commis là quelque chose d'interdit, de prohibé, et que la moindre indiscrétion pouvait lui valoir les plus vertes réprimandes. Il n'avait cependant pas tout à fait tort ; mais il était si fatigué, il avait si froid, ses vêtements étaient si humides ! Une force magnétique, naturelle et irrépressible le poussait vers la chaleur de la lumière, là où il se noyait dans la froideur de l'obscurité. 


Brûlure.

Personne n'était venu depuis longtemps, car son père était revenu, sa mère s'était précipitée vers lui, ils s'étaient dirigés ensuite probablement vers la cuisine où la bouilloire s'était mise à siffler. Mark s'ennuyait. Il s'ennuyait, et un sentiment de pitié le gagnait peu à peu. C'était une pitié curieuse, une pitié comme le conçoivent les enfants, qui cherche à savoir plutôt qu'à soulager. Aussi Mark se leva, s'approcha doucement du radiateur brûlant et, à côté de la peluche dont le poil était quasiment sec, il posa sa petite paume. Et immédiatement, il voulut la retirer, mais la curiosité l'en empêcha ; lorsqu'il parvint enfin à s'en dégager, une grande marque rouge s'était formée dans le creux de sa main.

Les flammes se balançaient avec un rythme hypnotique. Sur le devant, très proche de lui, il y avait un cierge plus grand que les autres, que la cire fondue léchait de toute sa hauteur. La flamme était particulièrement belle et longue et calme ; presque inoffensive. Alors, Donghyuck ouvrit sa petite main, sa toute petite main à travers le noir, approcha fermement les doigts du bâton de cire. Il eut un petit cri surpris. Lorsqu'il regarda sa main, à la lueur des bougies dont il s'était vivement écarté, il vit sa peau maculée de cire ; une main familière saisit la sienne, chassa les résidus blancs. Donghyuck serra les dents à mesure qu'il découvrait les longues enfilades rougeoyantes qui traversaient sa main. 


Faux réconfort.

Mark aurait voulu fourrer sa tête dans les bras chauds et doux de sa mère ; mais il n'osait pas : il se sentait trop honteux. Il passa plusieurs fois sur le seuil de la cuisine bien qu'aucun de ses parents ne lui accordât la moindre attention. Il gardait ses mains bien croisées derrière son dos, tout en prenant garde à ne pas toucher le creux de sa main, douloureux, et qui lui semblait cracher une chaleur inquiétante et continue. 

Puis sa mère l'ayant aperçu, s'avança vers lui, saisit que quelque chose n'allait pas, malgré la lumière fuyante. Elle prit sa main dans sa sienne, réprima un soupir et l'attira dans ses bras.

Donghyuck aurait voulu se laisser aller dans l'étreinte, mais il n'y parvint pas. La douleur était trop lancinante, le déconcentrait sans cesse de l'effort de tendresse que sa mère faisait à son égard ; bien qu'il en fût aussi étonné que touché. En réalité, la douceur était peut-être trop chaleureuse, trop étouffante. Il se surprit à davantage souffrir des bras qui enserraient son corps tremblant que de sa main qui s'était recroquevillée sur elle-même, comme une feuille morte, brûlée par l'hiver arrivant. 

[NCT | Markhyuck] Le jeudi, de l'autre côté du couloirWhere stories live. Discover now