Hyuck rêvant de la vie

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Note : Le chapitre peut être un petit peu perturbant. Je vous aurai prévenus. 

Hyuck se trouvait dans ses draps défaits. Avec frayeur, il surveillait régulièrement ses membres comme s'ils risquaient de s'effacer, de se détacher de son corps et de gagner leur propre liberté. Cette dépendance à son corps l'effrayait beaucoup ; et il lui semblait, sans qu'il ne sache bien pourquoi, qu'une part de lui-même s'était déjà détachée, avait déjà disparu. Cette impression tenace lui causait une grande panique et il se couvrit, comme pour se protéger, de ses draps blancs qui coulaient sur lui.

Alors qu'il tentait de tirer les draps à lui, son mouvement fut soudain arrêté par une force contraire, une force qui s'opposait à l'effort qu'il imprimait à ses bras. Il trouva plusieurs ruses ; mais chacune échoua. Alors, ayant décidé de quitter le coin du lit immense qu'il occupait, il entreprit de glisser, nu et à quatre pattes.

Il y avait un grand corps, nu lui aussi, vraisemblablement endormi. Sa poitrine se soulevait avec un rythme très calme, très apaisant ; et les deux seins frétillaient avec bienveillance à chaque inspiration, lorsqu'ils gagnaient la position la plus haute. Hyuck s'assit et observa. La frayeur l'avait quitté bien que le corps fût assoupi, sans le reconnaître. Mais lui connaissait le corps, connaissait les formes, les courbes, la douceur. Il n'eut pas besoin de toucher la peau pour savoir comme elle était douce et rassurante, et son simple regard qui se couchait près du corps endormi suffisait à le rasséréner.

Lorsque Hyuck fut proche de l'endormissement à son tour, lorsqu'il commençait à sentir poindre, dans les extrémités les plus reculées de son corps ainsi que dans ses yeux à demi clos, l'engourdissement caractéristique du rêve, le corps bougea.

D'abord, Hyuck crut à un effet de son imagination, à un effet de la fatigue — car la nuit était encore très épaisse et l'aube lointaine — mais, à bien y regarder, il lui sembla que le rythme des respirations s'était légèrement accéléré, que la main qui reposait, tranquille, sur le côté, était sujette à de petits soubresauts qui trahissaient un réveil proche.

Hyuck hésita. Fallait-il qu'il mime le sommeil à son tour ? Fallait-il au contraire attendre, avec excitation, le réveil de ce corps ? Fallait-il plutôt qu'il fuie au plus vite cette place qui n'était pas la sienne ?

Car à côté du corps encore endormi, on distinguait sans peine malgré les draps froissés un creux, vide, qui révélait que quelqu'un, à cette place, s'était endormi ; mais il n'y était plus. Tandis que Hyuck observait, depuis l'endroit où il s'était assis, le nid que ce corps disparu avait creusé, il ressentit une forte peine, un pincement tors qui lui vrilla le cœur. Mais le corps s'était redressé, ses yeux brillaient dans la pénombre et il fut définitivement distrait de ce sentiment.

Le corps était désormais assis, lui faisait face en le fixant. Il apparut cette fois très clairement à Hyuck qu'il s'agissait d'une femme. Elle avait peut-être quarante ans, ou peut-être dix de plus. Ses yeux étaient tristes mais brillaient avec ardeur. Une aura profondément maternelle émanait de ses bras, qu'elle écartait très grand, et Hyuck sut immédiatement quoi faire.

Il se rapprocha doucement, sans bruit, comme s'il s'apprêtait à faire quelque chose d'interdit, et se glissa doucement dans les bras qui s'ouvraient à lui, se glissa doucement entre les cuisses qui s'ouvraient à lui, et ferma les yeux, très fort, pour n'entendre ni son cœur, ni le sien, qui s'entrechoquaient avec une violence contre nature.

Hyuck sentit soudain un contact glacé, froid et fluide, contre son ventre. Il s'écarta vivement : un couteau, assez petit mais fort ouvragé, un de ces couteaux qui servaient autrefois à ouvrir les lettres sans en abîmer l'enveloppe, brillait sur le ventre de la femme. Il le caressa plusieurs fois avant d'oser s'en saisir. A chaque fois qu'il posait les doigts sur la lame, il se sentait traversé par une impulsion forte, qui irradiait de sa nuque jusqu'entre ses cuisses. Il lui fallut un certain temps pour maîtriser cette sensation qui l'effrayait beaucoup puis, ayant rassemblé son courage, glissa ses doigts autour du petit couteau et le brandit très haut.

Le sang gicla du visage de la femme à mesure qu'il frappait, frappait, frappait ; et la respiration de celle-ci s'accélérait ; et elle gémissait de plus en plus fort ; et Hyuck transpirait à grosses gouttes comme il s'agitait frénétiquement contre ce corps si chaud et si familier.

Puis tout cessa. Hyuck eut envie de vomir.

Plutôt, il lâcha son couteau, le jeta au loin comme pour en conjurer l'existence, et avec son existence, l'existence de tout le reste. Il fixait le visage qui se présentait à lui. Ce n'était pas un visage défiguré, c'était un visage autre. Hyuck écrasa ses lèvres sur les siennes en sanglotant ; et Mark lui rendit son baiser.

[NCT | Markhyuck] Le jeudi, de l'autre côté du couloirTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang